Welcome Home /// Rencontre avec Philippe de Pierpont


Chez Boulettes à la Liégeoise, nous sommes aussi cinéphiles. Nous nous sommes donc naturellement glissées dans les salles obscures pour découvrir Welcome Home, le dernier film réalisé par Philippe de Pierpont, qui nous avait offert Elle ne pleure pas, elle chante, en 2011.

Guidé par Bertin et Lucas, deux adolescents en quête de liberté, Welcome Home nous emmène dans les campagnes ardennaises, de Stavelot à Verviers, mais aussi dans les forêts, dans les habitations d'inconnus, qui seront le théâtre d'une recherche identitaire. Se trouver, se définir, se réapproprier son identité et presque sa vie, telles sont les aspirations des deux jeunes hommes.
Welcome Home est un film où chacun peut se retrouver dans les thématiques soulevées par le film : quel sens donner à sa vie, comment se définir en tant qu'individu et surtout, à trop vouloir courir après une liberté rêvée, ne finit-on pas par être enfermé dans son propre piège ?


Comment avez-vous choisi les deux protagonistes du film (Arthur Buyssens et Martin Nissen) pour incarner les personnages de Bertin et Lucas?
J’ai lancé le casting après une longue période d’écriture et de recherche de financement. J'ai revisité le scénario que j'avais écrit trois ans plus tôt et évidemment, j'avais changé sur cette période. Je voulais que le film me ressemble encore et j'ai travaillé cette évolution avec des comédiens avec qui on a réinventé les choses.
Un casting n’est pas seulement la recherche de la meilleure distribution. C'est un vrai travail sur le scénario, les personnages et sur le choix de l’acteur. Au bout de longues recherches, j'ai finalement choisi Arthur Buyssens pour incarner Bert et Martin Nissen pour incarner Lucas. Après avoir vu son interprétation incroyable des deux personnages, mais qui me faisait hésiter, et qui m'a fait le refuser, je l'ai rappelé pour travailler avec lui.
J'ai alors réécrit le personnage de Lucas pour Martin et le scénario a encore évolué.  Ces deux jeunes acteurs ont vraiment été un cadeau tout au long du tournage: ils m’offraient tout, tout le temps. Avec courage, avec fraîcheur, avec une grande générosité et une grande justesse.

Pourquoi avoir choisi de transcrire le passage de l'enfance à l'âge adulte ?
Je ne voulais pas réaliser un film réaliste socio-psychologique. Pourtant, c’est un penchant assez naturel de ce genre de scénario: le malaise de deux adolescents qui ne savent pas comment passer à l’âge adulte et qui, lors d’une fugue, vont accumuler les bêtises... J'ai refusé d’aller dans cette direction parce que, le propos du film est d’abord existentiel. Qu’est-ce que je fais de ma vie? Est-ce que cette vie est celle que je souhaite ? On peut se poser ces questions à tout moment de sa vie, lors de moments clefs.
Finalement, mes deux personnages ne trouvent pas de réponse malgré tout ce qu'ils abandonnent pour en trouver. Ils se trompent lamentablement et s’entêtent dans cette impasse. Malgré tout, ce cheminement, rehaussé par la jouissance de la transgression et de la prise de risque, va les conduire vers l'âge adulte et leur permettra de trouver un sens à leur existence. Welcome Home est un film sur l'audace qui nous emmène dans le voyage intérieur des deux protagonistes au travers de leur affirmation  (« J’ose donc je suis »), un mouvement de conquête (à l’assaut des maisons, de la vie des autres) et un geste symbolique (la transgression des règles, le passage en force de l’autre côté du miroir).
Cette audace à se lancer dans l’inconnu leur fait quitter définitivement l’enfance. L’initiation a eu lieu.


Quel message avez-vous voulu faire passer aux jeunes adultes qui visionneront Welcome Home ?
Welcome Home retranscrit le conflit entre la sécurité et la liberté, qui traverse chaque humain et se réveille aux moments de la vie où tout se joue. La liberté se gagne, elle se paie parfois au prix fort. Il faut oser quitter la sécurité pour la recevoir car elle fuit l’homme prudent ou peureux. Elle s’invite auprès de ceux qui ont l’audace de l’appeler. Ceux qui n’osent pas s’éteignent souvent, ils vivent une vie « à petit feu » et ceux qui osent doivent risquer tout, ils vivent « plein pot » et finissent parfois broyés. Au bord du gouffre, Lucas et Bert  trouveront un chemin où l’espoir n’est pas perdu.

Si vous ne deviez retenir qu'une seule scène du film, laquelle serait-elle ?
 La scène que j'emmènerais avec moi sur une île déserte ou dans un festival bondé, serait celle de la projection des diapositives sur le corps nu des deux personnages. Ils squattent un château et découvrent dans le grenier un vieux projecteur. C'est le summum de l'intrusion dans l'intimité de la vie des gens qui habitent ces maisons. Bert et Lucas s'approprient des images privées, se projettent dans la vie des autres, sans pouvoir s'identifier à eux. La scène est d'une beauté vénéneuse que j'aime beaucoup.

Que dire de la place de la pratique de la photographie dans le film ? Est-elle symboliquement présente ?
Dans la dernière maison qu’ils squattent, Bert et Lucas ferment les rideaux et l'atmosphère devient oppressante. Ils sont dans l’impasse. Puis, miraculeusement, vient une double révélation: une révélation photographique et une révélation spirituelle. On se retrouve dans un lieu dans lequel on ne peut pas être plus enfermé et dans le noir : la chambre noire d’un photographe, un lieu clos ouvert sur le monde entier. Cet espace est le théâtre d'une révélation paradoxale. C’est pour un des personnages une nouvelle ouverture vers la lumière. La photographie va changer sa vie.


Welcome Home, plutôt une fuite de ses racines ou un formidable envol vers une nouvelle liberté ? 
Welcome Home est l’histoire d’une échappée portée par un rêve de liberté et par la vitalité de l’adolescence. Tout est possible au cœur de cette histoire: le désir de vivre sa vie, de trouver sa place et sa manière d’être au monde au moment de s’affranchir de l’adolescence et de devenir un adulte.

Que voulez-vous que les spectateurs retiennent de Welcome Home ?
De partager un bon moment de cinéma, et de (re)trouver dans les deux personnages l'énergie vitale, la force de l'amitié et surtout la volonté de se sortir de la fatalité d’une vie toute tracée, le désir profond de vivre une vie qui vaille la peine d’être vécue.


Si vous voulez voir ce film, sachez qu'il vous reste deux jours pour le découvrir au cinéma Churchill à Liège :

• Mardi 16/02 à 12h10

• Mercredi 17/02 à 20h30










Photos : Valérie Houdart



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