Valeureux Liégeois



La première fois qu’on a entendu parler de l’Euro liégeois, on a cru à une nouvelle intox réussie de Nordpresse et on a ri sous cape -jusqu’à ce qu’on en voit un de nos propres yeux et qu’il nous faille nous rendre à l’évidence : non seulement l’Euro liégeois existe mais en plus il s’appelle le Valeureux et il peut servir de monnaie d’échange ailleurs que sur un plateau de jeu de société. Intriguées – et aussi un peu honteuses de ne pas l’avoir découvert plus tôt-, on a décidé d’en apprendre un peu plus sur cette unité monétaire révolutionnaire.

C’est en 2011 que l’idée de créer une monnaie locale à Liège a germé dans la tête d’un petit groupe de liégeois bien décidés à faire entrer leur ville dans le mouvement des villes en transition. Lancé en 2006 à Totnes (Grande-Bretagne) par Rob Hopkins, le concept de Transition vise à passer « de la dépendance au pétrole à la résilience locale », autrement dit, à relocaliser l’économie. C’est le but avoué des créateurs du Valeureux, qui revendiquent un développement économique qui booste l’économie local tout en étant respectueux des personnes et de l’environnement.

Cette volonté de consommer localement et consciencieusement se retrouve dans les commerces qui acceptent d’être payés en Valeureux : de l’épicerie bio à la librairie engagée en passant par l’asbl Barricade, la liste des commerces participants se lit comme l’annuaire du parfait bobo liégeois. En tout, c’est 21 commerces qui ont accepté de jouer le jeu pour le moment – encore trop peu que pour véritablement parler de ville en transition à l’image de Totnes ou Brixton, mais déjà assez que pour permettre à certains liégeois de changer leur manière de consommer.

Pour Sarah, conseillère communale et fervente supportrice des villes en transition, il était grand temps que Liège saute le pas et qu’un système de soutien à l’économie locale soit mis en place. Malgré son enthousiasme, pas facile pour autant de changer ses habitudes du jour au lendemain : pour le moment, les Valeureux lui servent surtout à acheter son pain, mais elle compte bien offrir des cadeaux de Noël payés à 100% en monnaie locale. Selon Sarah, utiliser le Valeureux plutôt que l’Euro, c’est une question de confiance : « je sens que j'ai du pouvoir quand je l'utilise. Si je donne un Valeureux à un commerçant, je sais que cet argent ne partira pas n'importe où pour que n’importe qui en fasse n’importe quoi. Cet argent sera au service de l'économie locale et pas de multinationales cotées en bourse ». Même son de cloche du côté de Thomas, un enseignant fort investi dans le réseau associatif liégeois : pour lui, le Valeureux c’est « une vraie alternative créative, originale et efficace ». Enthousiaste, il voit le Valeureux comme une manière de contribuer à stimuler une autre conception des échanges économiques, mieux à même de « créer du lien entre des initiatives digne d'intérêt et promouvoir le commerce de proximité, des produits locaux, conçus avec éthique et respect de l'environnement ».


Séduites par le concept, on a voulu se procurer des Valeureux pour tenter l’expérience de l’Euro liégeois. Après avoir tenté  sans succès de se faire rendre la monnaie en Valeureux dans un des commerces participants, on s’est vite remises de notre déconvenue en faisant un détour par la librairie Entre-Temps, seul guichet d’échange officiel pour le moment. Un Valeureux équivalant à un Euro, pas besoin de calculs compliqués, l’échange est facile et rapide et à peine entrées dans la librairie que nous voilà en possession de monnaie liégeoise. Surprise : les billets colorés représentant Tchantchès et Nanesse semblent tout droit sortis du Monopoly de Liège, et pourtant ! Que ce soit chez Al Binète ou aux Chiroux, pas même un haussement de sourcil quand on tend nos Valeureux –par contre, nos drôles de billets rouges et bleus suscitent questions et émerveillement chez les novices de la monnaie liégeoise.

Si le projet, lancé en juin dernier, n’en est qu’à ses débuts, il faudra tout de même un vrai engagement de la part des commerces et des citoyens liégeois avant qu’on ne puisse véritablement qualifier Liège de ville en transition. A l’heure actuelle, le nombre de commerces participants est trop restreint que pour permettre un changement complet des habitudes de consommation et un remplacement de l’Euro par le Valeureux. Selon Thomas, pourtant fort enthousiasmé par le projet, un monopole du Valeureux en région liégeoise reste peu probable à moins d’une véritable « rêve-olution »…mais si c’était ça, justement, la solution pour relancer l’économie de la région ?
Nous en tout cas, on est conquises par le projet et on compte bien se mettre au rythme des Valeureux liégeois…et vous ? 

Les commerces participants

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