Vis ma vi(ll)e: Sarah, 25 ans, vendeuse de lacquemants sur la foire de Liège.

Passé le premier choc -ou émerveillement, tout est une question d’âge-, les attractions tonitruantes et leur cohorte de roulottes aux effluves de sucre et de friture qui garnissent chaque automne le boulevard d’Avroy finissent bien vite par faire partie du paysage…et il en va souvent de même des forains qui les accompagnent !
Noyés dans les couleurs aveuglantes de leurs métiers* et dans la cacophonie des attractions et de leur musique assourdissante, les forains se fondent dans le décor de la foire d’Octobre et de son ballet de visiteurs avides de junk food et de sensations fortes.
C’est pourtant une communauté fascinante et digne d’être connue qui vit à l’ombre des attractions. Afin d’en savoir plus sur leur mode de vie pas comme les autres –et sur les coulisses de la foire de Liège !-, on a rencontré Sarah, une liégeoise tombée dans le milieu un peu par hasard qui fait mentir l’adage selon lequel « on naît forain, on ne le devient pas ».

Lorsqu’elle a postulé en 2006 pour vendre des lacquemants et des croustillons, Sarah était bien loin de s’imaginer que 8 ans plus tard sa vie serait rythmée par le calendrier des forains et leur exode perpétuel d’un bout à l’autre du pays. Alors que certains passent leur temps coincés derrière un bureau entre deux périodes de congés payés, Sarah, elle, enchaîne les kilomètres : de Tirlemont à Courtrai en passant par Namur, ce sont pas moins de 12 foires différentes qui enchaînent pour elle chaque année ! Si c’est ce côté pigeon voyageur qui l’a séduite au départ, les années passant, le manque de stabilité commence à lui peser – sans parler des effets négatifs sur sa vie sociale : pas facile de nouer des liens quand on bouge tout le temps ! Même s’il lui arrive parfois de ne pas rentrer à Liège pendant un mois et que ses amis font bien souvent la fête sans elle pendant qu’elle est coincée à l’autre bout du pays, Sarah reste positive : « je suis bien payée, l’ambiance est sympa et décontractée et j’ai quelques amis dans le milieu donc c’est cool ».


S’il est normal d’entretenir des relations cordiales avec ses collègues de travail, s’intégrer dans le milieu ultra-fermé des forains est une autre paire de manches !  Bien qu’elle décrive son environnement de travail comme un « mélange de Facebook et de Secret Story » où tout le monde se connait et où les commérages vont bon train,  Sarah ne tarit pas d’éloges sur ses compagnons de voyage : « ce sont des gens vraiment bien. Il y a chez eux une grande tradition et une grande fierté. Ce sont des gens courageux : quand tu vis dans une caravane la vie n'est pas facile tous les jours ! »…Bien qu'elle affirme n’avoir que des bons souvenirs depuis qu’elle a commencé à régaler les badauds entre deux attractions, Sarah a appris à ses dépends les aléas de la vie en caravane après qu’une cigarette mal éteinte ait mis le feu à la sienne l’été passé – un accident dont elle est sortie indemne mais que ses collègues ne sont pas prêts de la laisser oublier !


Avant que les métiers n’ouvrent leurs auvents, les matinées de Sarah sont remplies par un rituel immuable rythmé par le ramassage des feuilles et la préparation de la pâte, mais une fois que les visiteurs commencent à affluer, les journées se suivent et ne se ressemblent jamais…à l’exception des « journées tarifs réduits » qui chaque année suivent le même schéma au grand dam de Sarah : « Les jours de tarif réduit c'est l'enfer, les gens sont de plus en plus pressés et stressés, ils en veulent toujours plus : plus de sauce, plus de serviettes, plus de croustillons… Pour moi les pire tarifs réduits c'est ici à Liège; le dernier jour, il y a tellement de monde, c'est vraiment épuisant ! ».
Si notre apprentie foraine aime toujours autant l’absence totale de routine qui régit ses journées, après 8 ans à arpenter le pays, elle commence tout doucement à penser à une reconversion…sans pour autant renier l’expérience acquise parmi les forains : actuellement étudiante à l’Institut Saint Laurent, Sarah se verrait bien se lancer à son tour dans la restauration et pourquoi pas, ouvrir un snack…mais sans caravane ou journée à tarifs réduits ! Nous, en attendant, l’écriture de cet article nous a mis l’eau à la bouche, alors avant que les forains ne partent vers d’autres horizons, on va aller faire le plein de lacquemants et de croustillons ! 


* à ne pas confondre avec les "verdines" (les lieux de vie des forains, aussi appelés "voitures de ménage"), le terme de "métier" englobe attractions, carrousels et baraques à frites, bref, les lieux de travail.
** les photos de ce post nous ont gentiment été fournies par Sarah

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