Politique et pékèt: l'interview barquette de Willy Demeyer


willy demeyerC’est en bourgmestre confiant que Willy Demeyer sonne à la porte. Il faut dire qu’il y a quelques jours à peine, il présentait son bilan de législature à la presse, ainsi que son projet politique pour la suivante. Autant dire que pour lui, rempiler est plus qu’une éventualité. Trente années en politique et vingt à la tête de la ville, la machine est bien huilée. L’opération de charme peut commencer.

Il a beau le clamer haut et fort, « Liège change », lui est d’une remarquable constance. Dans sa barquette pas de surprise : un peket nature sur la ville de Liège, un peket framboise sur l’idéologie du parti et un cuberdon sur l’agenda fédéral. Voilà pour ce qui est du politique. Sur le plan personnel, il choisit aussi un peket melon, sur ses bonnes adresses et un caraïbes (voir ici pour plus d'infos sur le concept).

 « J’en boirai deux ». Dès le début, Willy Demeyer fixe les règles.

Liège oblige, nous débutons avec un peket nature, qu’il sait apprécier : « Il est bon ». Quand on est bourgmestre de Liège, on aime le peket authentique. Ca doit faire partie de la fonction. Moi de mon côté, j’ouvre la danse. Nous sommes rue Souverain Pont, la lutte contre les incivilités est au cœur de son projet politique et l’encadrement des usagers de drogue est un de ses chevaux de bataille. Ma première question est toute trouvée. 

L’ouverture d’une salle de shoot dans l’hyper-centre n’est-elle pas contre-productive avec la dynamique de réhabilitation de celui-ci ?

Non, pas du tout. Au contraire, c’est une question de respect pour le centre-ville. L’hyper-centre, c’est une concentration unique d’architecture, de patrimoine… mais c’est aussi une zone géographique d'une grande précarité. Vous savez, il faut être réaliste. 


Aujourd’hui, croiser des toxicomanes dans le centre, c’est quelque chose qui peut arriver à toute heure. Ca m’est déjà arrivé. 

En tant que bourgmestre, je suis souvent interpellé à ce sujet. D’un côté, on me dit qu’on ne veut plus les voir. De l’autre, on me dit qu’il faut m’en occuper. Une salle de consommation à moindre risque, c’est apporter une réponse à ces préoccupations.

Mais ne faut-il pas craindre un appel d’air ?

Non, tout ça est sous contrôle. On s’appuie sur des recherches et des expériences préalables qui ont déjà fait leurs preuves en France, en Espagne, au Luxembourg ou ailleurs. En Belgique, nous sommes loin d’être des pionniers, nous sommes davantage des retardataires. L’ambition est de raccrocher des personnes à un dispositif pour plus d’hygiène et de respect en collaboration avec les services sociaux adéquats, pour ensuite amener les usagers de drogues vers des dispositifs de type Tadam.

Je n’insiste pas. On vous l’a dit, Willy Demeyer est rôdé. Il en faudra plus pour le désarçonner. Alors quitte à évoluer dans une zone de confort, autant enfoncer le clou.
Il a beau être bourgmestre de Liège, il n’en est pas moins socialiste. Pour faire honneur à son choix « framboise », j’enchaîne donc sur un peu d’idéologie.



En Europe, plus rien ne semble arrêter le vent défavorable qui souffle sur la famille socialiste. Être socialiste au XXIe, n’est-ce pas un peu dépassé ?

Ce sont les électeurs qui décident, mais ce que j’observe, c’est que l’on va de plus en plus vers des politiques de rupture, qui sont des solutions contre-productives. Aujourd’hui, il y a des tensions partout. Vous savez, être socialiste, ce n’est pas tout permettre et être laxiste. C’est faire preuve de solidarité, mais c’est aussi reconnaître le mérite. 


C’est cette combinaison qui fait la spécificité du socialisme ; être humble tout en tenant compte de la réalité. Nous, les socialistes, nous prenons nos responsabilités et nous les assumons.

Tiens, tiens, voilà notre bourgmestre qui reprend ses punchlines favorites. Celles d’une gauche qui ne se laisse pas marcher sur les pieds. Ni à droite, en refusant l’étiquette de laxisme, ni à gauche, en se positionnant comme un acteur de pouvoir responsable. Au passage, on ne peut s’empêcher de sourire à ce tacle poli au PTB. Willy Demeyer s’échauffe. Le peket commencerait-il à faire effet ? Et les autres partis, qu’en pense-t-il ? Allez hop, j’envoie un peket cuberdon !

Dans la presse, on vous dépeint volontiers comme le fer de lance du régionalisme wallon. Les prochaines élections, ce sont les communales, mais dans un peu plus d’un an, ce seront les législatives. Les Wallons et plus généralement les francophones doivent-ils craindre le retour du communautaire ?

Le communautaire est constamment là, il n’a jamais cessé d’être présent. Regardez, il existe en Belgique un banc d’épreuve des armes à feu, qui s’assure de la conformité des armes mises sur le marché dans le Royaume. Pour des raisons historiques, cette institution est localisée à Liège depuis des siècles. Aujourd’hui, on a décidé de pouvoir déplacer son implantation, par exemple au nord du pays.

Je pense qu’il faut pouvoir prendre son sort en main, mais je ne suis pas un fanatique. 

Je soutiens la meilleure gestion possible, qui soit aussi la plus proche du citoyen sans pour autant multiplier les institutions. Plus fondamentalement, je suis un fervent partisan des Communautés urbaines, comme à Lille par exemple.

On va encore dire qu’à Liège, on est principautaires…

Mais oui, évidemment. D’autres le sont aussi, mais ne s’en rendent pas compte. La métropole a toujours été une unité de base fondamentale. Demain, nous serons dans l’Europe des métropoles. Les pays s’effaceront au profit d’une organisation réticulaire plus proche de celle du Moyen Âge. Ceci étant dit, si je revendique pour Liège le statut de métropole, il importe que celle-ci doit être une métropole ouverte. Un peu comme Barcelone.

Liège métropole ? Nous voilà revenus à la ‘Polis’ originelle, à la politique au sens pur : la gestion de la cité. Liège serait-elle la nouvelle Athène ? On voit qu’en parlant métropole, une lampe s’allume dans le regard de notre interlocuteur. C’est son projet. Son rêve fou ? Pour en avoir le cœur net, je lui tends un peket caraïbes.

Imaginons que vous êtes dans votre bureau à la Violette. Le bon génie des bourgmestres apparaît et il vous propose d’exaucer trois vœux. Quels seraient-ils ?

D’abord, je souhaiterais que disparaisse la dette pension de la ville. J’aimerais ensuite régler les problèmes de grande pauvreté, notamment en trouvant des solutions de logement pour répondre aux problème des personnes sans domicile, mais qui ne veulent pas être abrités. Enfin, je souhaiterais une forme d’organisation performante. Réunies, ces trois conditions permettraient de tout régler. La ville renouerait avec le succès.



C’est quand même très sage comme souhaits…

Vous m’avez demandé à la Violette. A Jupille, ça aurait été différent. 


Un autre rêve un peu fou, ce serait que grâce à toutes les réformes que l’on met en place, qu’elles touchent à la mobilité, au développement durable, au numérique ou encore à la culture, tout le monde puisse vivre mieux en dépensant 200€ de moins par mois.

On sait comment sont les génies. Mieux vaut rester prudent dans les souhaits que l’on exprime. Rebâtir la Cathédrale Saint-Lambert ? Un centre-ville sans voitures ? La découverte d’une réserve de pétrole… rien de tout ça pour Willy Demeyer, qui reste sur la réserve tout en soulignant une fois encore la nécessité de répondre aux défis que génère la grande précarité dans l’hyper-centre. L’heure tourne, pas le temps de le cuisiner davantage.  Nous approchons déjà de la fin de notre entretien et il nous reste encore un peket dans la barquette : un melon. L’obligation pour le bourgmestre d’ouvrir son carnet d’adresses.

Un premier rendez-vous réussi à Liège, ce serait quoi ?

Ca dépend de la personne que l’on invite. Ensuite, il faut une stratégie, construite sur l’intuition que l’on a de cette personne. Liège ne manque pas de beaux endroits tels que les berges de la Meuse ou encore les coteaux de la Citadelle et les points de vue qu’ils offrent sur la ville. Mais bon, si je veux faire plaisir à Michèle, je l'emmènerais probablement chez Irina Khä. 

Et de bonnes tables ?

Souvent, lorsque je vais manger un petit bout, je dois faire vite, ce qui limite mes choix. Ceci dit, Liège compte d’excellents restaurants. Personnellement, j’aime particulièrement l’ancien Héliport, près du Sart-Tilman; le Riva, qui en a repris l’emplacement originel ou encore le jardin des Bégards.

A l’amour comme à la guerre, Willy Demeyer est un stratège. Barquette de peket ou pas, celui que l’on a parfois qualifié de boa répond en slalomant. Se positionner, tout en évitant de polariser. On a toutefois vu notre bourgmestre hésiter sur les sujets plus personnels, où on le sent plus réticent à se livrer. Impératif de la fonction ou timidité dissimulée ? In Peket Veritas.




Les pekets consommés durant l'interview sont fournis à titre gracieux par Patrick Constant, aux commandes de la distillerie de l’Espérance commerciale, qui fabrique à Montegnée le peket depuis plus de 180 ans, qu’il soit traditionnel ou remis au goût du jour. Loin d'encourager l'abus d'alcool sous quelque forme, l'interview barquette est prétexte à un moment de convivialité... et les interviewés ne sont nullement obligés de boire tous leurs pekets. 

Texte & photos : Clément


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