
Il a beau le clamer haut et fort, « Liège change », lui est
d’une remarquable constance. Dans sa barquette pas de surprise : un peket
nature sur la ville de Liège, un peket framboise sur l’idéologie du parti et
un cuberdon sur l’agenda fédéral. Voilà pour ce qui est du politique. Sur le
plan personnel, il choisit aussi un peket melon, sur ses bonnes adresses et un
caraïbes (voir ici pour plus d'infos sur le concept).
« J’en boirai deux ». Dès le début, Willy Demeyer fixe
les règles.
Liège oblige, nous débutons avec un peket nature, qu’il sait
apprécier : « Il est bon ».
Quand on est bourgmestre de Liège, on aime le peket authentique. Ca doit faire
partie de la fonction. Moi de mon côté, j’ouvre la danse. Nous sommes rue
Souverain Pont, la lutte contre les incivilités est au cœur de son projet
politique et l’encadrement des usagers de drogue est un de ses chevaux de
bataille. Ma première question est toute trouvée.
L’ouverture d’une salle de shoot dans l’hyper-centre n’est-elle pas
contre-productive avec la dynamique de réhabilitation de celui-ci ?
Non, pas du tout. Au contraire,
c’est une question de respect pour le centre-ville. L’hyper-centre, c’est une concentration
unique d’architecture, de patrimoine… mais c’est aussi une zone géographique d'une grande précarité. Vous
savez, il faut être réaliste.
En tant que bourgmestre, je suis souvent interpellé à ce sujet. D’un côté, on me dit qu’on ne veut plus les voir. De l’autre, on me dit qu’il faut m’en occuper. Une salle de consommation à moindre risque, c’est apporter une réponse à ces préoccupations.
Aujourd’hui, croiser des toxicomanes dans le centre, c’est quelque chose qui peut arriver à toute heure. Ca m’est déjà arrivé.
En tant que bourgmestre, je suis souvent interpellé à ce sujet. D’un côté, on me dit qu’on ne veut plus les voir. De l’autre, on me dit qu’il faut m’en occuper. Une salle de consommation à moindre risque, c’est apporter une réponse à ces préoccupations.
Mais ne faut-il pas craindre un appel d’air ?
Non, tout ça est sous contrôle.
On s’appuie sur des recherches et des expériences préalables qui ont déjà fait
leurs preuves en France, en Espagne, au Luxembourg ou ailleurs. En
Belgique, nous sommes loin d’être des pionniers, nous sommes davantage des
retardataires. L’ambition est de raccrocher des personnes à un dispositif pour
plus d’hygiène et de respect en collaboration avec les services sociaux
adéquats, pour ensuite amener les usagers de drogues vers des dispositifs de
type Tadam.
Je n’insiste pas. On vous l’a dit, Willy Demeyer est rôdé. Il en faudra
plus pour le désarçonner. Alors quitte à évoluer dans une zone de confort,
autant enfoncer le clou.
Il a beau être bourgmestre de Liège, il n’en est pas moins socialiste. Pour faire honneur à son choix « framboise », j’enchaîne donc sur un peu d’idéologie.
Il a beau être bourgmestre de Liège, il n’en est pas moins socialiste. Pour faire honneur à son choix « framboise », j’enchaîne donc sur un peu d’idéologie.
En Europe, plus rien ne
semble arrêter le vent défavorable qui souffle sur la famille socialiste. Être socialiste au XXIe, n’est-ce pas un peu dépassé ?
Ce sont les électeurs
qui décident, mais ce que j’observe, c’est que l’on va de plus en plus vers des
politiques de rupture, qui sont des solutions contre-productives. Aujourd’hui,
il y a des tensions partout. Vous savez, être socialiste, ce n’est pas tout permettre et être
laxiste. C’est faire preuve de solidarité, mais c’est aussi
reconnaître le mérite.
C’est cette combinaison qui fait la spécificité du socialisme ; être humble tout en tenant compte de la réalité. Nous, les socialistes, nous prenons nos responsabilités et nous les assumons.
Tiens, tiens, voilà notre bourgmestre qui reprend ses punchlines
favorites. Celles d’une gauche qui ne se laisse pas marcher sur les pieds. Ni à
droite, en refusant l’étiquette de laxisme, ni à gauche, en se positionnant
comme un acteur de pouvoir responsable. Au passage, on ne peut s’empêcher de sourire
à ce tacle poli au PTB. Willy Demeyer s’échauffe. Le peket commencerait-il à
faire effet ? Et les autres partis, qu’en pense-t-il ? Allez hop, j’envoie
un peket cuberdon !
Dans la presse, on vous dépeint volontiers comme le fer de lance du
régionalisme wallon. Les prochaines élections, ce sont les communales, mais
dans un peu plus d’un an, ce seront les législatives. Les Wallons et plus
généralement les francophones doivent-ils craindre le retour du
communautaire ?
Le communautaire est
constamment là, il n’a jamais cessé d’être présent. Regardez, il existe en
Belgique un banc d’épreuve des armes à feu, qui s’assure de la conformité des
armes mises sur le marché dans le Royaume. Pour des raisons historiques, cette
institution est localisée à Liège depuis des siècles. Aujourd’hui, on a décidé
de pouvoir déplacer son implantation, par exemple au nord du pays.
Je pense qu’il faut pouvoir prendre son sort en main, mais je ne suis pas un fanatique.
Je soutiens la meilleure gestion possible, qui soit aussi la plus proche du citoyen sans pour autant multiplier les institutions. Plus fondamentalement, je suis un fervent partisan des Communautés urbaines, comme à Lille par exemple.
On va encore dire qu’à Liège, on est principautaires…
Mais oui, évidemment. D’autres le
sont aussi, mais ne s’en rendent pas compte. La métropole a toujours été une
unité de base fondamentale. Demain, nous serons dans l’Europe des métropoles.
Les pays s’effaceront au profit d’une organisation réticulaire plus proche de
celle du Moyen Âge. Ceci étant dit, si je revendique pour Liège le statut de
métropole, il importe que celle-ci doit être une métropole ouverte. Un peu
comme Barcelone.
Liège métropole ? Nous voilà revenus à la ‘Polis’ originelle, à la
politique au sens pur : la gestion de la cité. Liège serait-elle la
nouvelle Athène ? On voit qu’en parlant métropole, une lampe s’allume dans
le regard de notre interlocuteur. C’est son projet. Son rêve fou ? Pour en
avoir le cœur net, je lui tends un peket caraïbes.
Imaginons que vous êtes dans
votre bureau à la Violette. Le bon génie des bourgmestres apparaît et il vous
propose d’exaucer trois vœux. Quels seraient-ils ?
D’abord, je souhaiterais que
disparaisse la dette pension de la ville. J’aimerais ensuite régler les
problèmes de grande pauvreté, notamment en trouvant des solutions de logement
pour répondre aux problème des personnes sans domicile, mais qui ne veulent
pas être abrités. Enfin, je souhaiterais une forme d’organisation performante.
Réunies, ces trois conditions permettraient de tout régler. La ville renouerait
avec le succès.


C’est quand même très sage comme
souhaits…
Vous m’avez demandé à la
Violette. A Jupille, ça aurait été différent.
Un autre rêve un peu fou, ce serait que grâce à toutes les réformes que l’on met en place, qu’elles touchent à la mobilité, au développement durable, au numérique ou encore à la culture, tout le monde puisse vivre mieux en dépensant 200€ de moins par mois.
On sait comment sont les génies. Mieux vaut rester prudent dans les
souhaits que l’on exprime. Rebâtir la Cathédrale Saint-Lambert ? Un
centre-ville sans voitures ? La découverte d’une réserve de pétrole… rien
de tout ça pour Willy Demeyer, qui reste sur la réserve tout en soulignant une
fois encore la nécessité de répondre aux défis que génère la grande précarité
dans l’hyper-centre. L’heure tourne, pas le temps de le cuisiner
davantage. Nous approchons déjà de la fin
de notre entretien et il nous reste encore un peket dans la barquette : un
melon. L’obligation pour le bourgmestre d’ouvrir son carnet d’adresses.
Un premier rendez-vous réussi à Liège, ce serait quoi ?
Ca dépend de la personne que l’on
invite. Ensuite, il faut une stratégie, construite sur l’intuition que l’on a
de cette personne. Liège ne manque pas de beaux endroits tels que les
berges de la Meuse ou encore les coteaux de la Citadelle et les points de vue
qu’ils offrent sur la ville. Mais bon, si je veux faire plaisir à Michèle, je l'emmènerais probablement chez Irina Khä.
Et de bonnes tables ?
Souvent, lorsque je vais manger
un petit bout, je dois faire vite, ce qui limite mes choix. Ceci dit, Liège
compte d’excellents restaurants. Personnellement, j’aime particulièrement l’ancien
Héliport, près du Sart-Tilman; le Riva, qui en a repris l’emplacement originel
ou encore le jardin des Bégards.
A l’amour comme à la guerre, Willy Demeyer est un stratège. Barquette
de peket ou pas, celui que l’on a parfois qualifié de boa répond en slalomant. Se positionner, tout en évitant de polariser. On a toutefois vu notre bourgmestre hésiter sur les sujets plus personnels, où on le sent plus réticent
à se livrer. Impératif de la fonction ou timidité dissimulée ? In Peket
Veritas.

Les pekets consommés durant l'interview sont fournis à titre gracieux par Patrick Constant, aux commandes de la distillerie de l’Espérance commerciale, qui fabrique à Montegnée le peket depuis plus de 180 ans, qu’il soit traditionnel ou remis au goût du jour. Loin d'encourager l'abus d'alcool sous quelque forme, l'interview barquette est prétexte à un moment de convivialité... et les interviewés ne sont nullement obligés de boire tous leurs pekets.
Texte & photos : Clément

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