Un
ami m’a dit « accroche toi,
c’est du lourd. Je te déconseille d’ailleurs de manger avant la
séance ». Et puis j’ai vu Grave
de Julia Ducournau et je n’ai pas vomi. Par contre j’ai ri, j’ai
fait la lippe et j’ai eu peur.
Dans
une interview accordée à nos amis Les
Fiches du Cinéma, Julia Ducournau dit qu’elle « aime
les films où l’on se sent humain, où l’on se sent vivant, et
l’on est passé par plein d’émotions différentes. »
Pas étonnant donc que son premier long métrage remplisse ces
conditions et nous remplisse. Cette réalisatrice de 32 ans, je l'ai rencontrée en 2016. Élancée mais pas gracile, c’est
une femme superbe aux allures rock, coiffée d’une longue chevelure
blonde lisse et ébouriffée. Légèrement indolente, Julia Ducournau
impose d’emblée le respect par sa présence - malgré son jeune
âge - révélant aussitôt un caractère de fer et une intelligence
tout terrain. Y’a pas à dire, c’est une sacrée cinéaste qui a
bien fait comprendre au petit monde du cinéma francophone qu’elle
n’était pas là pour rigoler. Grave
en jette ! Julia Ducournau prend des risques et respecte ses
engagements en vous prenant aux tripes « grave ».
J’en
reprendrai volontiers, mais juste un doigt !
Le
scénario raconte la métamorphose de Justine, une étudiante de
première année en faculté de médecine vétérinaire [le film est
tourné à Liège, Big up !], qui passe de végétarienne endurcie à
cannibale vorace. Grave est alors un récit initiatique plus intime
que le bizutage estudiantin qui lui sert de toile de fond. Il me semble voir dans cette métamorphose féroce de Justine une métaphore
moderne sur la famille et ce qu’elle nous inculque, sur le passage
à l’âge adulte, la connaissance de soi et notamment sur
l’identité sexuelle. C’est un récit d’initiation actuel et
implacable, une découverte du corps dans tout le désir de sa chair.
Évidemment, certaines scènes sont
particulièrement gores. Pourtant le film n’est jamais glauque car
la mise en scène comme le scénario sont subtilement maitrisés et
tout juste dosés pour que le tout soit supportable. Julia Ducournau
utilise notamment une importante dose d’humour cathartique qui nous
protège des horreurs montrées. Habilement raconté, soutenu par un
rythme extrêmement efficace et une BO énergique, Grave est un film
nouveau car il ne suit les règles d’aucun genre et impose un
univers qui lui est propre. Un premier long métrage et déjà
un phénomène !
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