Cinématografille : Trois films à voir ces jours-ci

« Tague cet ami si lui aussi est fan de raclette. » 
Ils n’ont même pas attendu le changement d’heure, cela fait des semaines qu’ils inondent nos murs Facebook de posts dégoulinant d’amour pour le fromage valaisan ! Entendons nous bien, j’aime le lait de vache autant que ma propre mère. 
Mais n’y a-t-il plus que… ça ? Du frometon gras à pâte pressée ? Non. Il y a aussi du cinéma. Et trois films à voir surtout ces jours ci :  


Jeune Femme

Une jeune femme se retrouve seule dans un Paris pas très sympathique. Paula, de retour d’un long voyage, de retour d’une histoire d’amour qui aura duré dix ans, est confrontée à une sorte d’isolement. Sans logement ni travail, elle a la frousse, elle est paumée, mais dégourdie. Petit à petit, d’hôtels miteux et squats foireux en coups de chance, de rejets en rencontres, elle prend gout à cette vie solitaire, elle se libère.

Paula se caractérise par sa franchise et sa singularité. Elle a les yeux vairons. La coloration différente des deux iris est ce que l’on appelle une « hétérochromie », mot qui vient du grec « autre » et qui marque l'idée d'une différence de forme, de nature,… Paula est différente oui, et ses nuances dépassent largement le fait que l’un de ses yeux est marron et l’autre bleu. Elle est « excentrique » tandis que trop dirons injustement : « folle ». Paula ne se soucie pas de ce qui est approprié ou non. Caméra d'or à Cannes, ouverture du FIFF 2017, Jeune Femme est le premier film de Léonor Serraille. Bien que classique dans la forme, il y a dans ce film une liberté réelle, tirée du rôle sans barrière de l’actrice Laetitia Dosh, formidable.

Depuis quelques années déjà on parle d’une « nouvelle garde du cinéma français » avec des noms tels que Antonin Peretjtako (La fille du 14 juillet, La loi de la jungle), Justine Triet (La Bataille de Solferino, Victoria), Riad Sattouf (Les beaux gosses), Julia Ducourneau (Grave), etc. Toute cette petite bande ravigote le paysage du cinéma parce qu’elle sort des cadres comme le fait Léonor Serraile avec Jeune Femme, un film qui sert à la fois de l’humour, de l’insolence, de l’outrance et du burlesque. Un film qui provoque de la joie mais aussi une certaine agitation revigorante. C’est une comédie mais le comique n’est pas sa principale force. Derrière les quelques scènes amusantes, se dévoile une violence qui évoque l’absurdité de la société. Bien plus absurde que les grands gestes de Paula. L’œuvre souligne alors la dureté d’une société en dissonance avec la sincérité candide de la jeune femme.


Good Time

Connie (Robert Pattinson), petite frappe de seconde zone, entreprend de faire évader son frère blessé et incarcéré par sa faute suite à un braquage de banque minable. Connie, lors de cette aventure bancale fera des rencontres toutes aussi foireuses les unes que les autres…

Derrière ce récit acidulé : les réalisateurs Benny et Josh Safdie (The Pleasure of Being Robbed, Mad Love in New York...). Bien connus du cinéma indépendant new yorkais, les frérots bousculent carrément l’ancienne génération de cinéma. Il est évident qu’il ne s’agit pas ici d’un pur excercice de genre, d’une simple histoire de braquage qui tourne mal. Non, c’est une œuvre parfaitement rythmée, dont l’humour, la noirceur, la brutalité parfois, la mise en scène et les dialogues sont saisissants : c’est l’adrénaline qu’on attendait !

L’essentiel de l’action se déroule de nuit. En une seule nuit même. Le fait que le récit se déroule principalement dans la pénombre et les jeux de lumière donne une ambiance particulière au film, comme si le spectateur hallucinait un peu. Une atmosphère enflée par une bande sonore magnétique signée Oneohtrix Point Never. La musique et le film ne font qu’un et l’album d’ailleurs ne s’écoute pas sans voir le film qui quant à lui n’existe pas sans la musique. C’est aussi brillant qu’envoutant.


Logan Lucky

Ca se passe en Virginie. Jimmy Logan (Channing Tatum),  un père célibataire, ancien footballeur vedette de son école est désormais ouvrier à cause d’une blessure à la jambe. Et c’est cette même blessure qui va causer son licenciement, plus ou moins en même temps que son ex-femme ne déménage dans un autre Etat, emmenant leur seule fille au loin. Action-réaction : il entreprend d’organiser le braquage de la plus grande course de voiture de l’année. Qui dit braquage, dit une petite bande de  rigolos pour mettre ce plan sophistiqué à exécution. Bref, je ne vous dévoile pas la suite, parce que Steven Soderbergh aime jouer sur la surprise…

Steven Soderberh reprend carrément le canevas de la trilogie Ocean : c’est un film de casse, c’est une comédie. Mais il ne se contente pas de refaire la même soupe. Logan Lucky c’est la version prolo de Ocean’s Eleven avec une approche sensible de l’Amérique de Donald Trump. L’Amérique des rednecks.  L’Amérique des gueules cassées, des éclopés, des laissés pour compte. Dans ce film, il y a une charge émotionnelle énorme. Parce que Steven Soderbergh regarde avec tendresse, sans moquerie, ni dédain, cette bande de cow-boys de la campagne profonde.


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