Que
les Liégeois sont de fieffés coquins, on le savait déjà. Mais que nous
apprennent d’autre leurs habitudes de lecture ? Pour le savoir, nous nous sommes
plongés dans les méandres du catalogue de la bibliothèque Chiroux avec
Bénédicte Dochain, la directrice des lieux.
Procédons dans l’ordre, les Chiroux, ça
vient d’où ?
B.D. : Le nom vient de la rue des Chiroux, aujourd’hui
disparue et où s’est établie la bibliothèque en 1907. Le terme est une
francisation du wallon tchirou qui signifie
« hirondelles » et qui était employé au XVIIe siècle pour désigner
une faction bourgeoise de la ville de Liège. Comme les oiseaux de printemps,
ils étaient habillés de noir et de blanc, d’où leur surnom. Historiquement, les
Chiroux sont les opposants des Grignoux,
une faction adverse, dont le nom signifie les grincheux en wallon. Mais je vous
rassure, de l’eau a coulé sous les ponts et Chiroux et Grignoux s’entendent aujourd’hui
à merveille.
Combien de lecteurs la bibliothèque
compte-elle et depuis combien de temps existe-t-elle ?
B.D. : Pour 2017, on compte 21.429
lecteurs, ce qui est un chiffre stable dans le temps. La
bibliothèque de la ville existe depuis 1907 tandis que celle de la province voit
le jour en 1921, d’abord sous la forme de bibliobus dans les campagnes avant de
se sédentariser. En 1970, la bibliothèque provinciale s’établit rue des
Croisiers, à côté de la bibliothèque de la ville. En 2005, les deux
établissements sont fusionnés pour des raisons budgétaires et placés sous la
tutelle de la province.
Les Chiroux, c’est combien de livres
exactement ?
B.D. : Le catalogue compte
actuellement 671.536 livres, mais ce chiffre fluctue tout le temps car nous
intégrons constamment de nouveaux ouvrages, tandis qu’il arrive que certains
doivent être déclassés en raison de leur mauvais état. Annuellement, nous
acquérons entre 25.000 et 35.000 livres, répartis entre
ouvrages de fiction (40%) et ouvrages documentaires (60%). On essaie aussi de suivre
l’actualité, bien qu’il y ait naturellement un petit décalage avec les sorties
en librairie.
Peut-on émettre des
suggestions d’acquisition ?
B.D. : Bien entendu. Chaque
lecteur peut faire des propositions, qui sont ensuite évaluées par les
conseillers lecture en fonction de leur pertinence. En cas de réponse
favorable, les personnes qui en ont fait la demande sont prioritairement
informées lorsque l’ouvrage est intégré au catalogue.
Parmi le catalogue, quels sont les 5
livres les plus empruntés de tous les temps ?
B.D. : En fonction du format, les
réponses sont très différentes. Une BD se lit par exemple plus vite qu’un
roman de Marc Levy et circule donc plus rapidement, même si ce dernier est très
apprécié. Statistiquement, les ouvrages qui se lisent vite sont donc plus
empruntés, même si nous intégrons chaque année les meilleures ventes dans notre
catalogue. Ceci étant dit, voici ce que l’on
apprend en consultant le catalogue :
- Avec un total de 153 prêts, l’ouvrage le plus populaire de l’histoire de la bibliothèque, c’est Noirs Desseins, une BD pour adulte de Milo Manara, un des maîtres de la bande dessinée érotique. Vice et volupté, Noirs Desseins, c’est un peu le 50 Shades of Grey de la Cité ardente (de désir)
- BD toujours, mais dans un tout autre registre, on retrouve en numéro 2 un exemplaire des Tuniques bleues : émeutes à New York de Willy Lambil et Raoul Cauvin.
- On a aussi des ouvrages scientifiques qui coûtent assez chers et sont donc assez populaires auprès des étudiants. C’est le cas de livre Les soins infirmiers, très sollicité par les étudiants infirmiers.
- En 13e position, on retrouve un Max et Lili de Dominique de Saint-Mars et Serge Bloch.
- Enfin, si l’on suit le classement du catalogue, il faut attendre la 21e position pour trouver un roman. Dans cette catégorie, c’est Fred Vargas qui l’emporte avec son polar Coule la Seine.
Oui, de nombreux livres
sont consultés, mais jamais empruntés. C’est même le cas d’environ 10% du
catalogue. Le plus ancien livre à n’avoir jamais été emprunté à ce jour
date de 1911. Il s’agit d’un ouvrage de Jean Finot intitulé L’agonie et
la mort des races. Jean Finot était un fervent opposant des théories racistes et L’agonie et la mort des races est une
critique de ces politiques eugénistes, en particulier des théories raciales aryennes. On
retrouve ensuite un ouvrage de Jean-Henri Fabre de 1921 sur la vie des
insectes.
Les Chiroux, c’est une
bibliothèque, mais pas que. Quels sont les services offerts au public ?
L’activité principale,
c’est d’être une bibliothèque et une médiathèque, ce à quoi il faut ajouter une artothèque, qui offre la
possibilité d’emprunter pendant deux mois une de nos 189 œuvres. A côté des
collections physiques, un numéro de lecteur permet aussi de consulter des milliers
d’ouvrages au format électronique de chez soi ainsi que de nombreux titres de la
presse régionale, nationale et internationale.
L’abonnement à la
bibliothèque donne également accès à différents outils, comme une plateforme absolument
géniale appelée Vodeclic et qui
permet de se former à domicile à l’utilisation de centaines de logiciels, de
la suite office à Photoshop en passant par Twitter ou encore Facebook. Nous prêtons
aussi des Liseuses pour ceux qui souhaitent se familiariser à la lecture sur des
tablettes adaptées à la lecture.
Tout au long de l’année,
nous mettons également en place des activités et des services parallèles.
Quotidiennement, nous organisons des ateliers d’écriture, des cercles de
lecture ou encore des tables de conversation en français, en anglais, en néerlandais
et en wallon. Nous organisons aussi des formations, des conférences et des
colloques. Il est même possible de bénéficier d’un service d’écrivain public
pour ceux qui rencontrent des difficultés à rédiger leur courrier et d'un service "Point Emploi" (rédaction et impression de CV, lettre de motivation, etc.)
Enfin, à l’initiative des
professeurs du secondaire, nous organisons des formations à la recherche en
bibliothèque et des visites TFE à destination des étudiants. Au cours de celles-ci, ils ont l’occasion de se familiariser aux revues spécialisées et aux bases de données.
Combien coûte l’inscription/la location
?
Jusque 18 ans, l’inscription est gratuite. Elle est
ensuite de 6 euros par an. Les emprunts sont eux gratuits, et chaque lecteur
peut emprunter jusqu’à 20 médias : 10 livres max., 10 CD/DVD/CD-Rom max. et max. une œuvre d’art.
En cas de retard, il faut toutefois s’acquitter d’une amende : 0,05€
par jour de retard pour un livre (0,03€ dans la section enfants et jeunesse) et de 0,4€ par jour pour les médias. Chaque amende est plafonnée au prix d’achat du livre/média en retard.
Quelle est l’amende la plus chère
jamais payée ?
A ce jour, la plus grosse amende jamais enregistrée
est de 1.227€. Il s’agit d’un gros emprunt qui n’a
jamais été rendu.
Peut-on
venir y travailler/étudier ?
Oui, on peut tout à fait
venir y travailler. En blocus, les places sont même littéralement prises d’assaut,
comme un peu partout. Aux Chiroux, nous y sommes tout à fait favorables. La bibliothèque se veut
d’ailleurs être un troisième lieu où il fait bon venir, étudier et se
retrouver. Un espace entre la maison et l’école.
Bibliothèque Chiroux
15 Rue des Croisiers
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