« Mon abonnement ciné, je le rentabilise surtout en hiver ». Mais
saviez-vous que pendant l’été, le cinéma reste ouvert ? Peu importe qu’une
séance se poursuive pour vous d’une nuitée de bastringue, finis les
atermoiements, voyez une histoire sur grand écran, de temps en temps.
Vous
allez dire : alors que les activités en plein air foisonnent, les
festivals s’enchainent et le web suffit à émerveiller (ce qui est une bonne
chose aussi) pourquoi se fendre d’une séance de cinéma - où l’on risque
bien d’être dérangé par des borborygmes ? Je vous réponds : pour ce
truc un peu spécial, bizarre mais fantastique, cette énigme éternellement non-résolue :
l’émotion, celle soulevée par le cinéma.
Quand vous marchez dans la
ville après un film, vous êtes bien dans un état second ? Non ? Vous
n’êtes pas un peu perdu dans un méandre de confusions et d’idées claires ? Et
si c’est le cas, vous ne vous demandez jamais pourquoi ça vous fait cet effet
là ? Serge Daney pose la question mieux
que moi : « Et quand la vague s’est
retirée, qu’est ce qu’on trouve sur la plage ? Qu’est ce qu’il fabrique avec
nos têtes, le cinéma ? » Le cinéma, disait André Bazin, substitue à nos regards
un monde qui s’accorde à nos désirs. Le cinéma, disait Astrid Jansen, dessille
notre vue pour d’autres horizons. Une fois le générique en branle, la notion de
temps est chambardée et il s’agit de ne
plus s’en soucier pour investir un autre univers. Et il faut aimer sentir les
minutes passer, ne pas voir un film pour se « vider » la tête - comme on l’entend souvent - mais bien pour l’engraisser,
la cultiver de sentiments, d’idées et d’envies.
L’émotion dont je vous
parle, elle existe sous d’infinies formes, vous la rencontrerez sans doute dans
ces films égrenés dans les salles belges au cours de la belle saison :
(*la sélection n’est pas exhaustive, je suis loin d’avoir tout vu J )
(*la sélection n’est pas exhaustive, je suis loin d’avoir tout vu J )
Plaire, Aimer et Courir Vite de Christophe Honoré (27 juin en salle) *****
Début des années 90, les
hommes se baladent la nuit, se rencontrent puis s’embrassent dans les rues
sombres, s’enlacent sous les ponts à l’ombre « des années sida ». L’histoire
qui nous concerne est une histoire d’amour, moderne et romantique, entre un écrivain
quadragénaire et un étudiant d’une douceur et d’une vivacité formidables (les
deux incroyablement-magnifiquement-superbement interprétés par Pierre
Deladonchamps et Vincent Lacoste). L’émotion tient ici à la force des
personnages que Christophe Honoré soigne tout particulièrement, jusqu’aux plus
secondaires. Sans jamais bousculer, le film bouleverse.
Les Confins du Monde de Guillaume Nicloux (le 08 juillet à la Cinematek) *****
Indochine, 1945. Robert
Tassen, soldat de l’armée française, est envahi d’un sentiment de vengeance
après que son frère ait été décapité. L’histoire de cet homme impavide et languissant
n’a pas tellement d’importance ici car l’émotion tient surtout dans la bande
sonore ainsi que l’esthétique des images qui représentent la violence de cette
guerre. Des carcasses, des corps mutilés, déchiquetés,… le réalisateur fixe les
effets de la barbarie plus qu’il ne la met en scène. Un film d’une beauté
glaçante dont l’âpreté est adoucie par les rares apparitions de Gérard Depardieu,
philosophe au milieu d’une boucherie innommable.
Mirai, ma petite sœur de Mamoru Hosoda (08
juillet, 15h30, à la Cinematek) *****
Entre réalisme et travail
d'ampleur sur l'imaginaire, ce film d'animation japonais est un touchant récit
émotionnel qui montre comment un petit garçon accepte sa petite sœur dans le
cocon familial, sous les yeux de ses parents, souvent débordés.
Au Poste de Quentin Dupieux (sortie : 11 juillet) *****
Il s’agit ici
d’une version revisité de la "Garde
à vue" de Claude Miller dans laquelle Benoît Poelvoorde (qui pète la
forme !) interprète un commissaire hurluberlu. Le pitch : un homme
ordinaire passe une nuit au poste pour avoir découvert un cadavre en bas de chez
lui. Nous l’écoutons- en même temps que ce flic bizarre - dévider un témoignage
fort circonstancié mais sautillant. Si Quentin Dupieux, avec ses 5 précédents
films, nous a habitué à des focus sur images, on se délecte ici surtout des
dialogues ! C’est drôle. Très drôle. Parce que le convenu ne lui convient
pas, Quentin Dupieux ravigote le paysage cinématographique. Et ça fait un bien
fou car les bonnes comédies françaises se font rares. Avec ce film aux gags
irréalistes, Dupieux évoque sans équivoque l’absurdité du monde et jette une douche
froide à la face d’un cinéma frileux. Pour autant, ce sixième long métrage du
réalisateur n’est pas révolutionnaire. Comme un funambule en équilibre, le film
ne fulmine jamais mais brille d’un tout juste éclat.
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Et dans un prochain texte je vous parlerai aussi
de…
Sweet Country (sortie : 18 juillet) *****
Trois Visages (sortie : 8 août 2018) *****
Under the Silver Lake (sortie : 08 aout) *****
Burning (sortie : 29 aout) *****
Texte : Astrid
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