Sur écoute: Rendez-vous improvisé au Jacques Pelzer Jazz Club




Discret, le Jazz Club Jacques Pelzer fait partie de ces endroits qui gagnent à le rester, car tout le plaisir est justement de s’y faufiler, comme dans un cercle d’initiés.

20h30. C’est sur les hauteurs de Liège que l’on retrouve Marco, un habitué, dans un Thier à Liège déjà bien endormi. Résidentiel et populaire, ce quartier nous surprend, à mille lieux du New York des années 1940 que l’on imaginait, des épaisses volutes de fumée et des jeunes américains bourgeois qui viennent s’immiscer à la communauté afro-américaine en quête de Bebop et de liberté.

Pourtant, c’est bien là qu’il y a un peu plus de dix ans, Michelle Pelzer ouvrait les portes de son ancienne pharmacie à la gloire de ses deux amours, le Jazz et son mari, Jacques, qui a joué aux côtés des plus grands : Stan Getz, Lee Konitz et surtout Chet Baker.

Sans prétention, la pharmacie-club-qui-fait-aussi-restaurant-les soirs-de-concert a des petits airs de labyrinthe bricolé, où se côtoient pêle-mêle des affiches de Jazzmen, des photos de concerts et d’anciens potiquets d’herboriste.
Dans ce qui devait être un ancien salon, on finit par trouver la scène, Orval à la main, où nous attendent un piano, une contrebasse, une batterie et une myriade de tapis qui assurent l’acoustique. On s’installe et on attend. Marco trépigne.


Deux trois gorgées suffisent à faire venir le public qui termine son repas. Ambiance plus baby-boomer que Justin Bieber, nous sommes avec quelques retranchés les plus jeunes de la salle, qui compte une trentaine de personnes.
Qu’à cela ne tienne, on est plus que bienvenus, encouragés à grands renforts de « c’est bien ça, faut venir ! » ou encore de « ici, faut pas t’inquiéter, tu t’assieds, tu te lèves, tu fais ce que tu veux. Pas la peine de rester vissé sur ta chaise toute la soirée hein ».
Marco confirme, l’ambiance est décontractée.

Le public a certes un peu vieilli mais le Jazz reste un monde relax, dans la pure tradition freestyle. C’est donc installés de la sorte, presque en famille, que nous parviennent les premières notes.
Tiens, c’est vrai, on l’avait presque oublié, on est à un concert. Ce soir, on écoute Martin Sasse en trio avec Martin Gjakonovski et Joost van Schaik.

Alors que le public se laisse doucement gagner par la musique, le son se révèle être agréablement bon.
Au fil des solos aménagés, je me surprends même à rêvasser.
Oubliant pour un temps les terrils voisins, je repense à nos caves newyorkaises et je me dis que cette fois, on y est quand même un peu. Enfin, j’aime le croire.


22h00, rappel à l’ordre. La musique s’arrête, entracte ; je n’ai rien vu passer, à un Orval près.
 Avec Marco, on en profite pour se dégourdir les jambes et jeter un nouveau regard autour de nous pendant que d’autres vont enfumer le jardin.
Il me montre un ancien poster – Miles Davis à l’affiche ; prix de l’entrée : 100FB –  « c’est fou, tu te rends compte ? ».
Il flotte décidément une douce nostalgie au PJ’s.

Le concert reprend et cette fois, on s’assied au fond, pour papoter. Pas de bol, les canapés sont pris et on hérite de chaises pliantes à côté du poêle. Ouf ! Ça chauffe.
On parle de tout et de rien, de la pharmacie, de Jacques Pelzer, du Club. 
Marco me dit que ça lui fait plaisir de nous montrer les lieux, qu’il trouve ça insolite et que ça lui plait.
Il m’explique qu’une fois à l’étranger, on traque ces lieux à la recherche d’authenticité, mais que souvent, on ne fait pas la démarche dans sa propre ville. Ça me fait rire, j’acquiesce. 
Moi, ça me rappelle surtout les cours de saxophone, un peu déçu quand même que personne n’en joue ce soir.

J’embrasse ma copine dans le cou, « encore un morceau et promis, on s’éclipse ». Même si le jazz ce n’est pas son truc, elle me jure que ça lui fait plaisir d’être là.

-          Tiens, tu l’as toujours ton saxo ?
-          Oui, pourquoi ?
-          Tu m’en joueras ?        



  


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