Hors-la-loi : pourquoi il faut tuer le (bon) père (de famille)


La première fois que j'ai entendu parler de la notion de bon père de famille, j'ai souri. 
C'était en cours de droit, à l'université, j'avais quitté Liège, et ça m'a rappelé mon papa, qui incarne à merveille le bon père de famille. Responsable, prudent, ponctuel, on ne la lui fait pas à lui. Accessoirement, j'étais pas mal sous le charme dudit prof de droit, alors entre ça et mes pensées paternelles, je suis un peu passée à côté du concept. C'était rigolo comme appellation, vachement désuet, j'ai classé l'info en me disant que la notion n'était plus appliquée. 



La deuxième fois que j'ai entendu parler de ce fameux bon père de famille, par contre, j'ai ri. 
Je devais signer un contrat de bail, et contrairement à mon père, je ne colle pas du tout au concept. Pas d'enfants, déjà, et puis surtout pas de zizi, non vraiment, rien du bon père de famille. J'ai paraphé mon nom en ricanant dans ma barbe, qui n'était ici que métaphorique, pour l'expression, voir phrase au-dessus, pas de zizi, pas de barbe, mais voilà, le français est fait comme ça. J'ai à nouveau rapidement oublié ce fameux bon père de famille, l'excitation d'emménager dans l'appartement, de le décorer, les deadlines, la vie.

Et puis. Et puis ce week-end, j'ai vu passer la pétition d'Elsa, partagée par Jules. J'ai à nouveau un peu souri, parce que Jules, elle est vachement engagée. Et puis j'ai cliqué. Et puis j'ai signé. 

C’est vrai que je suis plutôt engagée -certains me trouvent même un peu casse-pied. En particulier en ce qui concerne le sexisme et ses dérivés, j’ai tendance à pas mal chipoter ; du genre à relever tout ce qu’on impose et reproche juste aux filles, du genre à souligner que « fille » c’est déjà une construction sociale en soi, et même du genre à expliquer que tous les papas n’ont pas forcément un zizi, justement. Bref, j’ai mon rôle à tenir lors des débats en soirée.

Parfois je suis d’humeur à argumenter pour ce en quoi je crois, parfois je laisse couler : c’est ok, prendre conscience des inégalités prend du temps, surtout quand on a grandi toute sa vie en les considérant comme des vérités bien établies. D’ailleurs, quand j’ai rencontré Elsa dans le vaste monde d’Internet (l’époque lointaine et bénie de myspace et de skyblog, toi même tu sais), on devait être en 2007, et à l’époque je devais très certainement penser que « féminisme » était presque un gros mot, qu’il valait mieux remplacer par « humanisme ».  La jeunesse, c’est pas toujours la fierté.

En 2017, si Elsa est révoltée en devant signer un contrat en sa qualité de « bon père de famille », c’est peut-être à cause de son histoire et de ses convictions. Mais c’est peut-être aussi simplement une question de bon sens.
En vérité, son indignation nous concerne toutes (et tous !) : cette notion est archaïque et discriminatoire. Pour les femmes, car elle énonce clairement qu’il faut être un homme pour être à la hauteur de certaines responsabilités. Pour les femmes et les hommes, car elle sous-entend que la capacité à être un bon gestionnaire est corrélée à celle de s'occuper d'enfants.

Reconnaissons-le franchement : cette notion est absurde et n’a plus de raison d’exister.
Mais tout ça, c’est expliqué très, très clairement sur la page de la pétition à signer pour abolir ce terme du droit belge.

« Ouiii mais le salaire égal et les violences conjugales, ça, ce sont des vrais combats ! », « C’est quoi quelques mots sur un bout de papier qu’on lit et qu’on oublie ? Battez-vous pour des choses importantes », j’en entends déjà grommeler dans le fond. Alors, oui, c’est sûr, il y a de plus grands combats. Mais il n’y a jamais de trop petites victoires. Se battre pour quelque chose n’empêche certainement pas de pester contre d’autres, dont un langage suranné et tout sauf neutre. Faudrait pas non plus se contenter d’hausser les épaules parce que bon, ça a toujours été comme ça.

Puis vous connaissez la musique : c’est peut-être un détail pour vous, mais pour nous ça veut dire beaucoup. Alors, prenez donc les 15 secondes nécessaires pour signer. Promis, ça change les choses.






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