Par une matinée brumeuse de décembre, on s'est rendues dans une école maternelle de la région liégeoise pour une interview pas comme les autres.
Assises au milieu de mini-humains âgés de 3 à 7 ans, on était au moins aussi excitées qu'eux à l'idée de rencontrer le héros du jour: St-Nicolas! - incarné pour l'occasion par Emile, enseignant à la retraite et Saint à mi-temps.
Fort de 40 années en tant qu'instituteur primaire, ce vétéran de l'enseignement était tout à fait à l'aise parmi les hordes de bambins émerveillés et même plutôt ravi d'avoir l'occasion de partager ce moment avec eux. Pour lui, c'est un bonheur que d'enfiler le costume de St Nicolas -bien que la panoplie tienne un peu chaud...- et il se prête au jeu depuis maintenant 10 ans, pour le plus grand plaisir des enfants...et du corps professoral qui le connait bien et ne manque pas une occasion de blaguer avec lui.
Entre deux chansons chantées à plein poumons pour le Grand Saint, les petites langues se délient: si les Barbies et autres princesses des neiges ont la cote, certains enfants font preuve d'originalité: une batterie, une machine à coudre et un chat sont attendus de pied ferme le 6 décembre!
Face à la longue barbe de St Nicolas et à sa mitre ouvragée, certains se dandinent l'air gêné tandis que d'autres y vont franco: forcément, la saison appelle à une invasion de sosies rouge et blanc et certains enfants ne manquent pas de rappeler à Emile (pardon, St Nicolas!) qu'ils l'ont déjà vu la semaine passée en allant faire des courses avec leurs parents; suscitant chez ce dernier force affirmations et sourires entendus - bien sûr qu'il se souvient de les avoir rencontrés!
S'il prétend de bon coeur être le St Nicolas qui leur avait serré la main dans un magasin et joue à se rappeler de toutes leurs petites frimousses, il est une rencontre qu'il n'est pas prêt d'oublier: Il a en effet déjà enfilé le costume du Grand Saint une fois où une de ses petites filles était présente parmi les enfants… « Je la vois qui me regarde avec intensité. Je la prends sur les genoux pour la photo, et elle me regarde droit dans les yeux… Et elle me dit : « Tu sais que tu as les mêmes lunettes que mon papy ? », et là j’étais démasqué ! ». Pas de panique, tout est bien qui finit bien car tous deux ont joué le jeu et prétendent encore aujourd'hui ne pas avoir reconnu l'autre!
A l'heure où les enfants grandissent avec internet et les gadgets électroniques qui vont avec, croient-ils toujours autant à la magie de St Nicolas ? Pour Emile, « Ce monde de la légende fait partie du merveilleux de l’enfance. L’enfant a besoin de ce merveilleux, et de s’appuyer dessus pour que ce qu’il soit en train de vivre soit quand même auréolée de ce petit côté magique ; il va recevoir des jouets… Bon, bien sûr, c’est la carotte, ne nous le cachons pas ! ». Il pense donc que les tablettes et consorts « n’enlèveront pas ce besoin de rêve et de merveilleux inhérent à l’espèce humaine et à l’enfance »...et on espère bien qu'il a raison!
Après deux heures de babillages et de chansons, la magie s'étiole tout doucement pour nous, mais pas pour Emile: 10 ans après avoir accepté d'endosser le costume du Grand Saint, ce rôle l'amuse toujours autant et il ne se voit pas raccrocher sa crosse de sitôt.
Avant de partir, on n'a pas pu se retenir de lui poser la question qui nous brûlait les lèvres: et lui, qu'est-ce qu'il avait demandé à St Nicolas? Si la question était posée sur le ton de la blague, sa réponse, elle, poussait à la réflexion: Que la terre tourne de manière plus éthique, plus juste. « Qu’est-ce que la St Nicolas pour les enfants pour qui c’est simplement essayer de manger, d’avoir un peu chaud, de vivre dans la sécurité ? ». Sa plus belle St Nicolas, ce serait de mettre un terme à tout ça, car pour Emile, « si St Nicolas a un royaume quelque part, ça doit être le royaume de l’utopie où n'existent pas les injustices sociales présentes ici ». A méditer ce week-end entre deux spéculoos... - Merci St Nicolas!
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