La Metanoïa, IAMX & moi

Saryn Christina
Une fois n'est pas coutume, laissez moi vous parler d'un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître.
L'époque où la Soundstation étaient la place-to-be pour les amoureux de musique électronique et de soirées ardentes, où la bière coûtait moins de deux euros, et où les soirs de concert, elle coulait à flot.
Les plus beaux hommes du monde s'appelaient Nicolas, Brian et Chris, ils avaient les cheveux aussi noirs que leur teint était pâle et avec leurs franges en bataille et leurs yeux maquillés, ils nous faisaient chavirer - fabuleux garçons-filles à l'allure stupéfiante et à la musique électrisante.
A l'époque, Chris Corner était venu mettre le feu à la Sound avec IAMX - Un concert inoubliable pour les teenagers que nous étions, irrémédiablement marqués par l'étourdissant tourbillon de beats et de lumières écarlates. After every party I die chantait Chris pendant qu'on mourait de plaisir...

Les années passant, nos héros adolescents étaient devenus une relique de ces années, parfois négligés mais jamais oubliés, compagnons incomparables des fins de soirées passées à s'époumoner dans des vapeurs alcoolisées.
Alors forcément, quand le Reflektor a annoncé la venue du dandy dark d'IAMX pour un concert au délicieux goût de nostalgie, il n'était pas question de le manquer.
Et quand Cat, notre Boulette au long bras tatoué, a réussi à arranger une interview téléphonique, j'ai bien failli me pâmer.
Compte rendu antagoniste, entre conversation tout en douceur et performance grisante. 


Janine Gesang

Sur scène, Chris Corner est un vrai prince des ténèbres. A mi-chemin entre Albator et Jack Skellington, il souffre le chaud et le froid sur son public captivé avec une voix tantôt tendre, tantôt écorchée.
Personnage aussi flamboyant que ses tenues sont sombres, Chris manie le maquillage et les artifices avec une superbe à faire pâlir plus d'une précieuse.

Surprise, pourtant: au téléphone, il n'a rien du personnage électrisant qu'il s'est créé mais bien plutôt l'air du gendre idéal. Poli, gentil et humble, il n'en est finalement qu'encore plus charmant.
Surtout  quand il se livre sur ses chansons, dévoilant un artiste d'une fragilité touchante.

"Le contraste entre mes paroles assez sombres et la musique festive de mes chansons s'est fait de manière plutôt organique: c'est un reflet de mon mécontentement face à une bonne partie de l'humanité, et de la réalisation qu'il n'y a pas grand chose qu'on puisse faire contre ça. A un certain point, il faut se résigner, réaliser qu'on ne peut pas changer les choses, et ma manière de faire face est d'utiliser un son plus boostant. L'équilibre est quelque chose auquel j'aspire: le monde est sombre mais il faut pouvoir en rire".

Tout en n'hésitant pas à le remettre en question, comme lorsqu'il chante qu'in the world, there is a horror of plagues. 

"Je suis politisé, mais de manière abstraite. J'ai pas mal d'opinions, mais sans toutefois être un activiste: pour moi, agir équivaut à dénoncer ce qui me dérange dans ma musique.
Depuis que je suis enfant, j'ai toujours été hypersensible et je n'ai jamais compris pourquoi certaines personnes mènent une vie qui ne leur plaît pas.

Le terrorisme, l'ignorance: ces phénomènes m'affectent énormément. Ils amplifient les sentiments que j'avais déjà. Pour arriver à vivre avec, il faut se sculpter son propre monde.
J'y arrive en observant le monde dans lequel nous vivons avec une certaine distance.

Si je menais une vie normale, je serais mort il y a longtemps".


Renee Mc Mahon
Une sensibilité à fleur de peau dont Chris ne se cache pas dans ses paroles.
Des chansons écrites comme autant d'exorcismes, et qui lui permettent "d'établir une connection avec des gens qui ressentent la même chose que moi". 
Si Chris n'a pas exorcisé ses démons, avec son dernier album, aptement titré Metanoia, il a choisi d'aller de l'avant.
"La metanoia est un concept qui vient de la Grèce antique, et qui renvoie à la renaîssance psychologique. C'est un concept qui me tient à coeur, l'idée de traverser une période sombre pour en sortir plus positif.
Avant cet album, j'ai traversé quelques années assez difficiles, et cet album est le reflet de ça, de comment j'en suis sorti avec une vue différente sur le monde". 

Une transformation que Chris a partagé avec le public liégeois ce vendredi. Dans la salle, ils étaient nombreux à avoir fait appel à une baby-sitter pour venir revivre leurs folles années le temps d'une soirée. Plus tout jeune, mais certainement pas flêtri, le public n'a pas boudé son plaisir, face à un Chris Corner ultra généreux et ses comparses d'IAMX à l'énergie contagieuse.
Il faut dire qu'ils se savaient en terrain conquis, Chris m'affirmant quelques heures avant le show "adorer venir en Belgique. Le public belge a toujours témoigné beaucoup d'amour au projet, les gens nous soutiennent beaucoup ici. On retrouve en Belgique une ambiance semblable à celle des pays de l'Est, la même intensité, la même chaleur". 
Et Chris de promettre à tous ceux qui viendraient l'écouter ce soir là un mélange explosif de "sex, wine and glitter".

Si le vin fut remplacé par la bière, Liège oblige, le concert n'en fut pas moins électrifiant.
Une soirée de communion comme seule peut en procurer la musique, dans un Reflektor bondé où, blottie dans les bras de mon amoureux, je n'ai pas pu m'empêcher de me dire que ma North Star, je l'avais bel et bien trouvée.





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