Au Rouge du Poivre, les papilles font la ola dans le chaudron de Sclessin



Printemps 2004, j'ai quinze ans. Avec une bande de copines, on décide de s'encanailler comme seules des filles de bonne famille éduquées dans un collège jésuite peuvent le faire : en allant au Standard. Et en T3, s'il vous plaît. Ouais, gros. 

On nous parle d'émeutes, de baston, on craint que le rouge omniprésent ne soit en réalité celui du sang, et puis en fait, à part quelques bières lancées dans l'air, c'est vachement bon enfant. Bien qu'on ait retourné nos armoires pour des vêtements écarlates, on fait carrément tache, voire même, on en est recouvertes après qu'une bière égarée nous ait atterri sur la tête. Certes, l'ambiance est bouillonnante, mais regarder des gens courir dans tous les sens, au bout d'un moment, c'est plutôt rasant. Allez, on a bien rigolé, mais les matches, pour nous, c'est terminé.

D'ailleurs à l'été 2015, si je tombe amoureuse de Clem ce soir là sous la Passerelle, c'est parce que je le trouve sublime, certes, parce qu'il est marrant et intelligent, mais la cerise sur le gâteau, c'est qu'il m'annonce détester le foot. Fini à vie de faire semblant de m'y intéresser, je suis amoureuse et apaisée.

Et puis contre toute attente, automne 2017, avis de tempête : je rentre à la maison et j'annonce en fanfare "viens chéri, ce soir, je t'emmène au Standard". A peine le temps de me jeter un regard interloqué que je le rassure : on va au stade, oui, mais pour la gastronomie. Parce que depuis juillet, le Rouge du Poivre a posé ses marmites dans le chaudron de Sclessin et le menu est carrément alléchant. On laisse les crampons au vestiaire et on passe à table.



Première mi-temps : un sans faute

On a beau jouer à domicile, le rouche de notre ardente équipe a été relégué aux gradins. Tout juste s'il fait son apparition dans le nom du restau', mais Caroline, qui gère l'établissement avec son frère Nicolas, chef de cuisine, était sans appel: pas question de tomber dans le piège du code couleur blanc et rouge. Et si elle a fait preuve de poigne au moment de décorer le restaurant, en salle, elle n'est que sourires, douceur et attention, à l'image du reste de l'équipe.
Décor : check. Contact : check. C'est très bon signe, certes, mais dans l'assiette, alors ? Parce que c'est lundi et qu'il fait gris, pas question de lésiner : deux menus six services s'il vous plaît, d'autant qu'à 55 euros la formule (+30 euros) avec la sélection des vins, ce serait vraiment dommage de se priver.



D'entrée de jeu, les mises en bouche nous mettent en appétit. La présentation est soignée, et les saveurs sont maîtrisées. Et avec ça, une coupette de Prosecco, santé ! La soirée commence de manière ultra gourmande, et dès l'arrivée de l'entrée, on est bluffés. Pourtant tous les deux très difficiles dès qu'il s'agit de manger du poisson (et non, on ne mange pas non plus de choux de Bruxelles) on se retrouve à dévorer notre assiette de maquereau grillé à la perfection et accompagné de mousse de chou-fleur, pickles maison et délicat espuma d'anchois. Le mariage est très réussi, visuellement, l'assiette est super jolie, et puis ce maquereau croustillant avec sa peau scintillante... Tiens, d'ailleurs, ça peut sembler acquis quand on va au resto (ça ne l'est pas) mais la maîtrise des cuissons est vraiment une des spécialités de la maison : la preuve avec la deuxième assiette, un risotto à l'encre de seiche et au fenouil confit surmonté d'une gambas exquise, juste snackée, qui nous met encore l'eau à la bouche rien que d'y penser.
Un trou normand aux accents d'Italie (sorbet citron + limoncello) pour se remettre de nos émotions puis place à la deuxième mi-temps.



En plat, porc ibérique cuisson basse température nappé d'un jus de dattes et accompagné de poireau braisé, poivron fumé et moelleux de pomme de terre aux olives. Soit une véritable éloge à la gourmandise, accompagnée d'un vin rouge parfaitement choisi, servi à discrétion. Si prendre la sélection des vins n'est pas toujours un bon calcul niveau budget, ici, on fait confiance à l'équipe les yeux fermés.



Au moment du fromage, une sélection surprenante, dont une création à pâte dure au goût de pomme et un crémeux fromage d'Italie succulent sur le pain aux figues servi en accompagnement. On finit la soirée sur un moment de pur foodporn, un moelleux au chocolat au coeur coulant, nappé de caramel au beurre salé. Le cadre est charmant, c'est ultra facile d'accès, l'équipe est aux petits soins, c'est délicieux et le rapport qualité-prix est carrément exquis. Buuuuuuuuuuut : c'est sûr, on reviendra.

Rouge du Poivre
Rue de la Centrale, 2, 4000 Liège
Ouvert du LU-VE midi et les lundi, vendredi et samedi soir
Site internet







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