Babillages ardents : Les Liégeois(e)s et la reconversion professionnelle.


Du temps de nos grands-parents (et peut-être même de nos parents), les choix d'études et de carrières n'étaient alors pas si denses et lorsqu'on entrait dans une entreprise, c'était pour y rester, que l'on aime ou que l'on n'aime pas, la question ne se posait pas.

Aujourd'hui, notre génération, dite Y, aurait parait-il tendance à zigzaguer entre désir de carrière prometteuse, envie d'impacter et d'influencer dans un domaine et besoin de s'épanouir dans des projets personnels. Dès lors, l'idée d'un travail pour la vie paraît désuète et les divorces professionnels se feraient (eux aussi) de plus en plus fréquents.

Dans nos cantons liégeois, il semblerait que l'on ne déroge pas à la règle, nombreux sont ceux et celles qui ont choisi (ou non) de voguer vers d'autres horizons emplois. Quelques uns nous font le plaisir de partager leur expérience, en espérant que celles-ci vous parlent et/ou vous donnent le courage de suivre votre voie !


Quel était votre premier choix de carrière ? Pourquoi avez-vous décidé de changer et pour quelle nouvelle voie ?

Gaëlle, 27 ans enseignement → entrepreneuriat

« J'ai fait des études de langues et littératures romanes et ai fait la didactique parce que c'était une sécurité d'emploi. Tout le monde sait que malheureusement, avec ces études-là, sans faire la dida, il est vraiment très dur de trouver un boulot par la suite. J'ai adoré l'enseignement, j'aurais pu être très épanouie en étant prof. Cependant, l'enseignement est ce qu'il est aujourd'hui et le fait d'être ballottés d'une école à l'autre, ça ne peut pas donner un travail de qualité, ni une stabilité, tant pour les élèves que pour nous. De plus, c'est triste à dire, mais j'ai besoin de reconnaissance et le métier de prof n'est pas bien reconnu dans notre société. Après mes études de romanes, j'ai donc décidé d'entamer un Master complémentaire en entrepreneuriat, car j'ai toujours vécu dans une famille de professions libérales et d'indépendants et j'ai donc moi-même le but de me lancer à mon compte d'ici quelques années. »

Diego, 37ans / horeca → vente 

« J'ai voulu être cuisinier dès mes 14ans, j'ai suivi cette voie durant toute ma jeunesse et ai travaillé dans plusieurs restaurants et hôtels. Ensuite, j'ai eu une famille, une femme et deux enfants que je ne voyais pas beaucoup, je travaillais en moyenne 12h par jour, c'est vraiment un métier de fou ! J'ai donc décidé de chercher autre chose pour pouvoir me consacrer à eux et avoir des horaires bien plus stables. J'ai appris que l'on cherchait des magasiniers/vendeurs dans une grande chaîne de magasins, j'ai postulé et ai rapidement été engagé. »


Charlotte, 30 ans / droit → collaboration juridique-projets personnels 

« J'ai été avocate durant 5 années. J'avais depuis quelques années plusieurs projets en tête qui n'avaient rien à voir avec le monde juridique : lancer un blog avec des recettes saines, organiser des ateliers cuisine, et des brunches, faire de la décoration d'intérieur, ... Les idées ne manquaient pas. Mon travail d'avocate ne me permettait pas de mettre ces projets en place: pas assez de temps disponible, surcharge de travail et surtout incompatibilité entre le métier d'avocat et celui de commerçant (c'est interdit...). J'étais donc coincée. J'avais l'impression d'avoir fait le tour de la profession et quand je me projetais dans l'avenir, je ne me voyais pas rester avocate toute ma vie, dans le même bureau, à (être loin de) ne pas aussi bien gagner ma vie qu'on le penserait, pour une énorme charge de travail... Je me rendais compte que je n'avais aucune ambition dans ce métier: pas l'envie d'être la meilleure avocate de Liège ou d'ouvrir mon propre cabinet. Aucune envie de ça. J'ai eu envie de passer de celle qui a plein de projets à celle qui les concrétise. Je ne voulais surtout pas avoir de regrets plus tard et me dire un jour "mais pourquoi ne t'es-tu pas lancée?". J'ai eu envie de prendre ma vie en mains et d'oser, en me disant: "si ça fonctionne, tant mieux, et si ça ne fonctionne pas, tant pis, mais au moins tu auras essayé". Aujourd'hui, j'exerce 3jours/semaine dans le notariat et me consacre les autres jours de la semaine à mes activités en tant qu'indépendante complémentaire. »

Je ne voulais surtout pas avoir de regrets plus tard et me dire un jour "mais pourquoi ne t'es-tu pas lancée?

Julien, 24 ans / événementiel → électromécanique 

« Durant mes études secondaires, j’ai eu l’occasion d’organiser un événement, puis un second et c’est rapidement devenu une passion pour moi. Au fil du temps, ça a pris de l’ampleur, à un tel point que c’est devenu mon métier. Après avoir mis, petit à petit, de l’argent de coté, j’ai eu l’occasion de racheter un bar dans Le Carré. Je travaillais donc dans un milieu festif, à la fois dans l’événementiel et dans l’horeca. Dans mon cas, ce sont plus les choses qui ont décidé que je change plutôt que l’inverse. La conjoncture actuelle et les conditions de travail de l’horeca ont fait que financièrement, ce n’était plus possible. J’ai donc décidé de déposer le bilan afin de limiter les dégâts, en pensant que je trouverai rapidement du travail, par la suite, dans mon domaine. Après un certain temps à chercher un emploi et à désespérer de ne rien trouver, j’ai décidé de reprendre des études en électromécanique. »

Carole, 25 ans / enseignement → voyage et rédaction 

« Après mon Master en Romanes, j'ai d'abord travaillé dans la vente, puis en tant que professeur de français dans le secondaire, mais ça ne me plaisait pas. Cette année, j'ai donc décidé de partir vivre à Barcelone, afin de pratiquer mon espagnol, avant de l'oublier. En plus, je ressentais une envie d'ailleurs, de changer complètement d'environnement. Je travaille actuellement en tant que rédactrice de contenus pour un site internet d'organisation de mariages. »

Comment cette nouvelle voie s'est-elle offerte à vous ?

Charlotte, 30 ans / droit → collaboration juridique-projets personnels

« L'idée n'était pas de tout plaquer pour penser vivre de mes nouvelles activités. Il me fallait une sécurité financière. J'ai donc cherché un temps partiel dans le notariat, comme salariée et assez vite, j'ai fini par trouver le bon compromis. Je bosse actuellement comme collaboratrice juridique dans une étude 3 jours/semaine, ce qui a plusieurs avantages: j'ai 2 jours de "libre" à consacrer entièrement à mes nouvelles activités pour lesquelles je me suis inscrite comme indépendante à titre complémentaire ; je garde un rythme de vie "normal"; j'ai les avantages de la vie de salarié et à l'inverse, je n'ai plus les inconvénients financiers de l'indépendant. Et du coup, j'ai lancé mon blog, j'ai mis en place l'organisation de brunches, je travaille également sur des projets de décoration d'intérieur et j'ai planifié un premier atelier cuisine. »

Noah, 26ans / secrétariat médical → conduite de trains 

« Depuis gamin, j’étais intéressé par le métier de conducteur de train. Malheureusement, l’avenir en a d’abord décidé autrement. Quand j’ai quitté les secondaires, il n’y avait pas de sessions ouvertes pour ce magnifique métier et ainsi, j’ai décidé de passer mon bac+3 Assistant de direction option secrétariat médical. J'ai vite trouvé du travail dans cette branche, mais plusieurs facteurs ont fait que je ne m'y épanouissais pas... Au même moment, la SNCB a commencé à recruter en masse car elle fait actuellement face à une pénurie de conducteurs de train, surtout du côté flamand. Je me suis donc inscrit à la première session que j’ai vue et voilà que je suis embarqué dans cette formation d’un an depuis le 1er août 2017 ! J’ai déjà réussi les deux premières phases et leurs épreuves éliminatoires. »

Carole, 25 ans / enseignement → voyage et rédaction 

« J'ai fait des économies, j'ai pris mon courage à deux mains, je me suis lancée et j'ai acheté un billet d'avion. Mon premier aller simple ! »

Grégory, 38 ans / agronomie → événementiel 

« Suite à une interruption de carrière pour raison médicale, je suis resté un certain temps sans retrouver de travail dans mes compétences. Au vu de la forte demande par rapport à l'offre dans ces secteurs et de mon âge, je me suis fixé l'objectif de prospecter sur d'autres horizons. J'ai saisi l'opportunité de me rendre au salon du volontariat organisé par la Province de Liège et je suis rentré comme volontaire dans une asbl qui travaille entre autre avec des outils de référencement et d'E-communication. »

Julien, 24 ans / événementiel → électromécanique 

« Après avoir cherché activement du travail durant plus d’un an, je me suis bien rendu compte qu’il fallait prendre le taureau par les cornes et trouver une solution. J’ai donc décidé de reprendre un bachelier en électromécanique, ce qui n’a absolument rien à voir avec ce que je faisais. J’ai décidé de reprendre ces études car elles font parties des plus porteuses à l’heure actuelle et le système belge fait que j’avais le droit de garder mes allocations de chômage durant mes études et donc de garder une vie plutôt normale. »

Etes-vous satisfait de ce choix ? 

Diego, 36 ans / horeca → vente 

« Oui, je suis heureux d'avoir un tel horaire qui me permet d'avoir des activités sur le côté, ce qui n'était absolument pas possible dans l'Horeca. J'ai de toute façon un tempérament à ne jamais rien regretter ; dans la vie, il faut foncer ! »

Gaëlle, 27 ans / enseignement → entrepreneuriat 

« Je pense être satisfaite, je me sens plus reconnue et plus épanouie, même si je ne regrette pas du tout d'avoir fait les romanes, j'ai acquis des connaissances et une ouverture d'esprit que je n'aurais jamais eues ailleurs ».

Charlotte, 30 ans / droit → collaboration juridique-projets personnels 

« Mon changement de vie date d'à peine 2 mois et c'est du coup encore trop tôt pour que je puisse dresser un bilan. Il y a un côté enrichissant et gratifiant de se dire qu'on a mis des choses en place, qu'on travaille sur ses projets personnels et de voir qu'ils prennent forme et se développent bien. De l'autre côté, il y a une grosse charge de travail (mon lundi, mardi, mes soirées, et mes week-ends sont consacrés à mes nouvelles activités, je n'arrête jamais et j'ai pourtant l'impression de ne pas avoir encore assez de temps) et du stress (moi qui ne suis pas du tout de nature stressée, j'ai presque découvert cet état lors de l'organisation des brunches). Ma vie était peut-être plus "cool/zen" avant, mais certainement moins palpitante ! »

Julie, 32 ans / éducation → domaine bancaire

« J'ai réussi mon graduat comme éducatrice spécialisée et à force de "baigner" dans le domaine du social, j'avais fini par aimer, même si au début, c'était le marketing que je visais – mais il y avait trop de cours de langues. Je n'ai jamais trouvé de boulot en tant qu'éducatrice... Aujourd'hui, j'exerce une fonction exclusivement commerciale dans une banque, on peut dire que je n'ai absolument pas suivi la voie que je désirais, je ne peux donc pas dire que je sois réellement satisfaite. Au final, je n'ai jamais fait de choix ''du coeur''... »

Julien, 24 ans / événementiel → électromécanique 

« Je suis très satisfait de ce choix ! D’une part, pour la quantité d’emplois disponibles. Avec ces études, je suis quasiment certain de ne jamais me retrouver au chômage à nouveau. D’autre part, le travail dans l’événementiel et l’horeca est très éprouvant d’un point de vue horaire et le mode de vie lié à cette activité n’est pas sain. Le fait aussi d’avoir été indépendant et donc d’avoir eu une quantité de travail très importante avant ma reprise d’études me permet d'aborder ma vie actuelle avec beaucoup plus de facilité. »


Votre conseil pour réussir à envoyer tout valdinguer et changer littéralement de vie (tout en ne finissant pas sous un pont) ?

Mélanie, 26 ans / architecture → domaine médical (infirmière) 

« J'ai changé de voie car je n'avais plus aucun plaisir à dessiner, à faire des plans ou des maquettes, je me suis lancée en tant qu'infirmière et je suis très heureuse maintenant. Je pense vraiment qu'il faut que l'on choisisse ce qu'on aime réellement, il faut se battre pour y arriver et surtout, ne pas hésiter à changer de trajectoire, rien n'est pire que de se rendre au travail avec des pieds de plombs. »

Julie, 32 ans / éducation → domaine bancaire 

« Si j'avais un conseil à donner, ce serait de continuer dans la voie que l'on désire et ne pas baisser les bras à la moindre petite difficulté. S'écouter beaucoup sois-même et écouter un peu moins les autres... »

Carole, 25 ans / enseignement → voyage et rédaction 

« Foncez, mais pas tête baissée ! Si vous ressentez un besoin de changement qui vous entraînera à l'étranger, essayez tout de même d'avoir des ressources suffisantes, si non vous n'en profiterez peut être pas pleinement. Mais que vous soyez jeune ou moins jeune, ne renoncez pas à cette envie pour un prétexte quelconque : mieux vaut vivre avec des remords qu'avec des regrets ! »

Gaëlle, 27 ansenseignement → entrepreneuriat 

« Pour réussir à changer littéralement de vie, il faut juste faire ce qu'on a envie de faire. Bien sûr, dans mon cas, c'est assez ''simple'', j'ai un premier diplôme, je vis toujours chez mes parents, j'ai une double sécurité. Je n'ai pas d'enfant, pas de loyer à payer, mais être enfermé dans quelque chose dont on n'a pas envie, ce n'est pas du tout ma vision des choses. Il ne faut surtout pas hésiter à faire des efforts, c'est dur de sortir de sa zone de confort, mais c'est plus que bénéfique au final. »

Il ne faut surtout pas hésiter à faire des efforts, c'est dur de sortir de sa zone de confort, mais c'est plus que bénéfique au final

Julien, 24 ans / événementiel → électromécanique 

« Tout d’abord, il ne faut pas hésiter à bien se renseigner sur les aides disponibles et les formations du Forem et des autres organismes. Ils peuvent vraiment être bénéfiques pour quelqu’un qui veut avancer et changer de voie. Un autre point très important est d’en discuter avec son entourage. Cette période de transition peut être très compliquée à vivre car on se met en danger. Une chose est sûr, c’est que si nous voulons changer de vie, c’est que l'actuelle ne nous convient pas et que, donc, la suite ne peut qu'être positive, même s’il faut passer par des moments plus compliqués. »

Charlotte, 30 ans / droit → collaboration juridique-projets personnels 

« C'est important de se fixer une deadline. Je m'étais dis que début septembre, je lancerai le blog, et du coup je m'y suis tenue coûte que coûte, même si j'aurais bien encore retardé les choses et que ça m'a coûté de publier mon premier article en vacances. Il ne faut pas trop réfléchir et se lancer un peu "tête baissée" au moment même, mais à la fois avoir pris le temps, au préalable, de faire mûrir son projet, de bien l'avoir analysé, de savoir vers quoi on veut aller. Je dirais que pendant une bonne année, j'ai fait germer l'idée, réfléchi au nom du blog, préparé déjà des articles... Mais le jour où il a fallu se lancer, je n'ai pas trop réfléchi et j'y suis allée à fond, en donnant tout et en faisant abstraction des idées paralysantes du style "qu'en penseront les autres? Et si c'est un flop?...". Evidemment, il vaut mieux s'assurer également une sécurité financière et du coup un temps partiel comme salarié sur le côté peut être la bonne solution. Je me suis fixée un an pour faire le bilan et me donner un maximum dans tout ce que j'ai entrepris sans baisser les bras et sans me démotiver (car l'envie de tout arrêter m'a déjà parcouru plusieurs fois l'esprit...). Au final, quoi qu'il arrive, je sais que je n'en retirerai que du positif et que ça restera toujours une bonne expérience. »
Le jour où il a fallu se lancer, je n'ai pas trop réfléchi et j'y suis allée à fond, en donnant tout et en faisant abstraction des idées paralysantes du style "qu'en penseront les autres? Et si c'est un flop?..." 

La vérité, c'est que lorsque je me suis lancée dans la récolte de ces témoignages, je m'attendais réellement à entendre le récit de sortes de super-héros des temps modernes, prêts à tout plaquer pour aller élever des chèvres au Tibet (l'interview aurait certes été plus difficile), mais la réalité n'est pas celle-là.

La réalité, c'est que ce n'est pas simple, chacun a des motivations différentes pour entreprendre de changer de carrière : besoin de plus de reconnaissance, souhait d'horaires plus adaptés, réalisation de projets perso, envie d'évasion, attraction vers un métier plus porteur, soucis économiques...

Tout cela n'est pas facile à mettre en place, certains ont la chance de pouvoir compter sur leur entourage, d'autres non, certains ont réussi à se lancer, à faire leurs propres choix – non sans peine – et d'autres sont là où la vie les a menés. Malgré le fait que ces parcours soient sensiblement différents, tous ont été semés d'embûches et chacun semble d'accord pour affirmer qu'aujourd'hui, notre épanouissement personnel passe par notre vie professionnelle et est plus que primordial.

Dès lors, si vous souhaitez changer de vie, armez-vous des conseils repris ci-dessus, allez recueillir des avis dans nos nombreux organismes d'orientations et d'aides à l'emploi liégeois, foncez (tête légèrement baissée tout de même) et décidez vous-mêmes quelle sera votre vie. Mais si vous êtes bien là où vous êtes, c'est bon pour nous aussi !
→  Spéciale cace-dédi à ''Julie'', qui devrait 
enfin commencer à suivre son propre conseil ;) 

Prochain Babillage / Appel à témoignages 
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