Chaque mois, on demande aux Grignoux de partager leurs coups de coeur ciné et culture avec nous pour en prendre plein les yeux et les oreilles. Et pour bien commencer 2019, rien de tel que de découvrir leur sélection de janvier où les femmes sont à l'honneur.
1. Les chatouilles
Après
l’avoir mise en scène dans un spectacle de danse, Andréa Bescond adapte son
histoire au cinéma : celle d’une jeune femme abusée durant son enfance et
en quête de résilience. Un film fort,
d'une rare sensibilité, à l'élan vital salvateur, et aussi un grand film
populaire dans tout ce qu'il peut contenir d'universalité et d'humanité.
Odette a 8 ans quand Gilbert (Pierre
Deladonchamps, dont la douceur du regard contraste avec la laideur de son
personnage), un ami de ses parents, lui propose de jouer aux « chatouilles ».
Pourquoi donc se méfier d’un adulte ami de la famille qui utilise un
vocabulaire si inoffensif ? Gilbert
n’est évidemment pas le type affectueux qu’il prétend, mais face aux parents il
sait jouer les adultes responsables et aimants, confortant ainsi sa place
auprès de la fillette qu’il agresse en fait sexuellement, des années
durant. Comment sortir indemne d’une
telle expérience ?
Soirée rencontre
autour du film mardi 15 janvier à 20h au Sauvenière : Trauma et résilience
chez les victimes de pédophilie.
2. La favorite
Le
réalisateur de The Lobster revient
avec une savoureuse comédie noire à la cour d’Angleterre, où le baroque se fait
punk et l’intelligence se mue en sauvagerie grotesque. Sans aucun doute son
film le plus délicieux, et le plus grand public.
Presque tout le film se déroule au Palais
de la Reine Anne de Grande-Bretagne, à l’aube du XVIIIe siècle. Les perruques y
sont foison, tout comme les longs corridors, les tapisseries, les clavecins et
les prises de vue en très grand angle. La Reine souffre de la goutte et le seul
remède qu’on ait trouvé pour soulager sa douleur est de saucissonner ses jambes
dans des tranches de bœuf. Le palais, tout comme le pays entier, d’ailleurs,
est essentiellement géré par son amie d’enfance Sarah (Rachel Weisz), Duchesse
de Marlborough, qui déploie un talent fou pour préserver son statut de
favorite. Mais arrive un jour toute
dépenaillée Abigail, une cousine que Sarah engage comme servante… Il se fait
que celle-ci connaît les herbes médicinales et parvient à soulager la Reine de
sa goutte plus efficacement que les beefsteaks quotidiens. Avec son caractère
obéissant, sa jolie frimousse et son apparente honnêteté, Abigail pourrait bien
devenir la favorite… C’est sans compter sur les vilenies, grossièretés et
autres décadentes intrigues de cour pour l’en empêcher…
3. Colette
Le
réalisateur de Still Alice s’empare
des jeunes années de Colette avec un regard définitivement émancipateur et
féministe, depuis son mariage avec Willy jusqu’à son envol d’écrivaine reconnue.
Bien sûr, il faudra faire fi du français et
accepter qu’une langue anglaise vienne perturber quelque peu notre imagerie du
Paris 1900 et de ses écrivains. C’est la règle du genre et derrière
l’incongruité, l’histoire tient décidément suffisamment la route pour qu’on se
concentre sur la jeune femme, et l’affirmation d’elle-même qui la mènera à
embrasser un destin hors-norme et avant-gardiste d’écrivaine de grand talent.
Gabrielle est une jeune femme de la
campagne, proche de ses parents, n’aimant rien tant qu’observer la nature.
Régulièrement, Willy vient rendre visite à la famille et faire la cour à ladite
Gabrielle. À l’insu des parents, ils se donnent des rendez-vous plus que
galants dans la grange attenante. Willy est fou d’elle et l’épouse, au grand
étonnement de la « bonne société » parisienne de la toute fin du xixe siècle,
qui voit Willy sous un angle que Gabrielle ignore encore, celui de sa
propension à la gaudriole ou de sa carrière littéraire qu’il dirige comme une
entreprise.
Elle débarque à Paris encore timide et
gauche, engoncée dans son image de fille provinciale. Bientôt elle découvre,
avec la bonne société parisienne qu’elle trouve d’un ennui profond, les travers
de son mari. Joueur et frivole, il ne ménage pas les dépenses, et le ménage se
retrouve souvent sur la corde raide de finances en yo-yo.
Mais Gabrielle, déjà devenue Colette aux
yeux du monde, est trop maligne pour se parer d’une ostentatoire jalousie alors
même qu’elle se verrait bien jouir d’une même liberté, pour son propre compte…
4. Les invisibles
Des
femmes sans-abri à la conquête de leur dignité. Un bonheur de comédie sociale
qui enchante les cœurs et explose les préjugés
Fortes en gueules ou gueules brisées, elles
sont là. Même si la bonne société essaie de ne pas les voir. Habituées à se
sentir transparentes, elles se gomment, se fondent dans la grisaille de la
ville. Être vues, c’est peut-être le début des emmerdes…
L’action se passe dans un de ces centres
dits sociaux, qui reçoivent le jour les laissées-pour-compte. « L’Envol »
accueille toutes les femmes sans-abri qui s'y présentent, tout en gardant une
distance professionnelle. Pourtant on sent bien que la barrière de protection
est ténue, prête à rompre. Comment résister à ces sourires timides sous
lesquels émergent des blessures tenaces, des envies de revanche magnifiques ?
Toutes ces sans-abri ont un nom inventé pour voiler leur véritable identité :
Édith (Piaf), Brigitte (Macron), Lady Di, Simone (Veil), Marie-Josée (Nat),
Mimy (Mathy)…
Le jour où l’administration aveugle va
décider de fermer le centre, l’équipe entière, travailleuses sociales et SDF,
fera front pour revendiquer un droit élémentaire à la dignité, exploiter toutes
les astuces possibles pour intégrer le circuit du travail et bénéficier d’une
reconnaissance sociale. À ce moment, le film est littéralement embrasé par une
bouffée d’utopie particulièrement réjouissante. Toutes ces femmes se
métamorphosent par petites touches sous nos yeux. Elles finissent par croire en
leur potentialité, leur énergie insoupçonnée, dans l’expertise qu’elles ont
acquise tout au long de leur vie chahutée. Et la comédie parvient à donner une
étonnante crédibilité à ces échappées vers un monde meilleur grâce à ce mélange
astucieux entre comédiennes professionnelles et femmes ayant vécu dans la rue.
Devant nos yeux ébahis, ces dernières acquièrent du charme, de l’assurance, un
art de l’autodérision enjouée.
5. Seule à mon mariage
Piloté
par un trio de femmes – la réalisatrice, l’actrice et la productrice –, Seule à mon mariage pourrait hâtivement
être qualifié de « film de femmes ». Ce serait se méprendre sur la portée de ce
film qui, à l’instar de son héroïne, ne cesse de nous surprendre.
Pamela est Rom, jeune, insolente et ne peut
se résoudre à suivre une vie qui semble toute tracée. Elle part donc chercher
un incertain avenir en Belgique… Marta Bergman signe un premier film sensible
qui puise son réalisme dans une précision documentaire tout en s’autorisant des
envolées poétiques, presque romantiques. Sélectionné à l’ACID à Cannes 2018
Pamela, qui vit avec sa grand-mère et sa
fille dans une petite maison de la campagne profonde de Roumanie, lutte jour
après jour contre la monotonie du quotidien et la succession des soirées,
autour d’un feu ou devant la télé. Un jour, tenaillée entre sa jeunesse, sa
fille et ses rêves de liberté, Pamela la vend, cette télé, et elle part.
Convaincue que son avenir est ailleurs, un ailleurs forcément plus loin et plus
rose que le terrain de foot enneigé à la sortie du village, elle saute dans un
avion et, d’un cadre à l’autre, devient l’une de ces filles de l’Est parties se
marier à l’Ouest. Elle s’en va direction la Belgique, où l’attend Bruno,
célibataire endurci rencontré via une agence matrimoniale.
Avant-première
en présence de l’équipe du film mardi 29 janvier à 20h au Parc.
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