L'enseigne est aussi emblématique de la rue que Riquet, le tatoueur installé juste en face, ou d'autres piliers du quartier tels que Wattitude, Ersatz et La fontaine d'Athena. Et pourtant, travaux oblige, Tasso sera bientôt contraint de quitter la rue après 53 ans de bons et loyaux services.
Que les habitués se rassurent tout de suite: il ne s'agit pas d'adieux, rien que d'un au revoir. Car c'est la force de cette taverne grecque ouverte par Anastasios (dit "Tasso") Katsipourdas en 1966: un noyau dur d'habitués, dont certains paient des visites quasi quotidiennes chez Tasso, qu'il s'agisse d'y déguster l'une ou l'autre spécialité grecque ou simplement d'y boire un verre et de profiter de l'ambiance à nulle autre pareille.
Quand Tasso ouvre son restaurant éponyme dans les 60s, ils ne sont qu'une poignée à proposer la gastronomie grecque à Liège, et d'emblée, le concept de ce Grec originaire d'Olympie fait succès. Avec sa femme, qui vient elle de l'île d'Eubee, ils servent une cuisine familiale et authentique, et c'est Tasso qui passe aux fourneaux. A son décès, en 1993, son fils Foda n'a que 12 ans, et ce sont donc les cousins de ce dernier qui reprennent le restaurant. Jusqu'à ce que Foda (qui y travaillait déjà) décide leur succéder à la tête de l'établissement de son père il y a 6 ans. Sans toutefois en changer la recette gagnante: convivialité, chaleur humaine et recettes authentiques.
On prépare toujours la moussaka selon la recette de mon papa. Si elle plaît autant aux clients, c'est parce qu'on ne travaille que des bons produits, à l'ancienne. On nettoie les légumes nous-mêmes, on va chercher la viande chez le boucher... Bien sûr, ça prend plus de temps, c'est du travail, mais le résultat est là.Et quel résultat: peu importe l'heure, la météo ou même le jour de la semaine, il y a toujours des clients attablés au numéro 5 de la rue Souverain Pont. Sauf, évidemment, les lundi et mardi, jours de fermeture oblige. Mais dès le printemps prochain, la fermeture risque de durer plus longtemps que jamais, le nouveau propriétaire du bâtiment ayant décidé d'entreprendre d'importants travaux de rénovation. Ainsi que l'explique Foda, "il faut refaire tout le bâtiment du toit jusqu’au rez-de-chaussée, ils vont juste laisser les quatre murs et refaire tout le reste. Ils disent qu’ils en ont pour un an, mais c’est certain qu’il va y en avoir pour bien plus longtemps". Clap de fin pour Tasso alors? Peut-être, momentanément, en Souverain Pont. Mais pas question pour Foda de ne pas perpétuer l'héritage familial.
Une semaine avant son décès, mon père parlait encore d'ouvrir un deuxième Tasso à Robermont. C'est dans cet immeuble que j'habite aujourd'hui, il y a un rez-de-chaussée commercial, et ce sera une bonne occasion pour nous de tester un restaurant là-bas.
D'autant que, "trouver un autre espace dans le centre, c'est compliqué, et les loyers sont beaucoup trop chers. On a la chance d'avoir une clientèle d'habitués au restaurant, donc beaucoup de monde nous suivra d'office à Robermont". Même si Foda ne pourra pas emporter un souvenir précieux avec lui: les peintures murales d'inspiration hellène qui donnent à l'endroit son cachet.
Mon père a voulu remettre la déco du resto au goût du jour dans les années 90, il a fait appel à quelqu’un qui était étudiant à l’époque, mais qui a une galerie d'art aujourd’hui à Londres, pour faire les peintures murales. J'ai tenu à garder l’endroit tel que mon père l’avait conçu, mais malheureusement, je ne saurai pas emmener les peintures avec moi dans le nouveau resto.
Qu'importe, il emmènera avec lui l'essentiel: "c'est très important pour moi de continuer l'héritage de mon père et de perpétuer son restaurant". Restaurant qui ne bougera pas avant le printemps 2019 au plus tôt, l'occasion de savourer jusqu'à l'overdose ses peintures murales et son ambiance dans son jus. Et puis les spécialités grecques, aussi.
Texte + Photos : Kath
Aucun commentaire