Comment habiter le centre-ville m'a aidée à arrêter de fumer



Habiter le quartier Grand Léopold aujourd'hui, ça doit être un peu l'équivalent de Brooklyn à la fin des 90's. Excitant et hype, gentrification oblige, mais vachement plus sombre quand le jour tombe. Une noirceur qui m'aura tout de même permis d'arrêter de fumer. 


En journée, la population du quartier est aussi éclectique que les restos et les boutiques qui l'animent. Il y a des hipsters en vêtements faussement vieillis hors-de-prix, et des étudiants en art sapés en fripes. Des familles à poussettes multiples croisent des fêtards venus se sustenter avant de partir en soirée, les piétons partagent les pavés avec les cyclistes, et tout ce petit monde cohabite dans un joyeux fouillis. Mais entre le coucher et le lever du soleil, quand la dernière enseigne s'est éteinte, les souverains oubliés du quartier montrent leur visage. Celui d'une enclave qu'on appelait il n'y a pas si longtemps encore Souverain-Tox, et où une certaine forme de misère humaine rôde encore dans l'ombre, n'attendant que la pénombre pour se dévoiler.


Il y a ce resto, rempli de gourmets aux papilles curieuses en soirée, mais dont l'entrée est chaque matin investie de clients d'un autre genre, venus se cacher dans le renfoncement pour faire un deal à la va-vite, et parfois même se piquer sur place avant de partir rôder ailleurs, laissant derrière eux aiguilles et seringues, et puis mégots aussi. Il y a cette rue, qui accueille pourtant plusieurs boutiques créatives et inspirantes, en dehors des heures d'ouverture desquelles le business ne s'arrête pas, il se fait simplement de main en main, voire la main au panier, si une des travailleuses du quartier décide de s'aventurer jusque là pour vendre son corps sur les pavés. Le point commun entre tous, outre leur préférence assumée pour le centre-ville?

Leur addiction à la clope, qui les accompagne partout dans un nuage de fumée grise et épaisse, triste métaphore de leur quotidien de rats des villes rongés jusqu'à la moelle. 

souverain pont liège

Et puis il y a tous les autres, les "normaux", enfin ceux qui ne s'adonnent pas à des crimes en rue du moins, mais qui se dandinent aussi sur les pavés la clope au bec. La pop culture voudrait nous faire croire que fumer, c'est glamour, c'est pour les cowboys et les mannequins, les héros sexy et les filles irrésistibles. C'est faux, forcément, et ce n'est jamais plus vrai qu'en se baladant dans le centre-ville de Liège.

Ici, pas de Kate Moss qui se la coule douce derrière un écran de fumée mais bien quatre moches qui attendent le 12 dans un nuage de tabac bon marché. 

Pour l'image sexy et insolente de la clope, on repassera, dans le centre-ville, c'est aller simple pour le cancer du poumon sans même passer par la case "cool".  A force d'être confrontée chaque jour à ces tristes personnages tirant sur leurs tiges à cancer comme si leur vie en dépendait (les pauvres, s'ils savaient...) j'en ai fini par avoir un goût de cendre en bouche.

Et puis du jour au lendemain, mon envie de nicotine est partie en fumée. Je ne suis pas certaine que mes poumons soient vraiment plus purs qu'avant, le centre-ville semblant être perpétuellement recouvert d'un nuage de nicotine, mais au moins, quand je vois tous ces fumeurs au teint gris comme les pavés, je peux enfin les juger tranquille: moi, j'ai arrêté.


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